Du
01 Septembre 2019
au
31 Août 2021

SERVEAU

L'obligation d'implanter un couvert végétal entre deux cultures dans un but de piège à nitrates et de lutte contre l'érosion est souvent perçue comme une contra

Contexte

Le pâturage par les ovins des chaumes, des repousses et des "mauvaises herbes" est une pratique ancestrale, aujourd'hui presque abandonnée dans les pays européens principalement en raison de la spécialisation des exploitations. Cependant, l'obligation d'implanter un couvert végétal entre deux cultures de rente dans un but de piège à nitrates et de lutte contre l'érosion pourrait remettre cette tradition au goût du jour et transformer une contrainte en opportunité. En effet, les couverts d'intercultures représentent, selon les années climatiques, une ressource de biomasse importante à l'échelle de la ferme.

La pratique tend à se développer en France au travers d'associations entre éleveurs et cultivateurs, avec des bénéfices des deux côtés. L'éleveur a accès à des pâturages riches et indemnes de parasites pour nourrir ses animaux au moment où les prairies permanentes sont en déclin dans leur cycle de production. L'agriculteur voit ses couverts détruits naturellement, sans l'intervention d'engin agricoles, sans compaction importante de son sol et avec une restitution de la matière organique et des éléments nutritifs plus facilement valorisables par la culture suivante. Malgré cela, le pâturage des cultures dérobées est peu courant en Région wallonne. Cependant, il questionne le secteur de l'élevage ; questionnement qui fut relayé notamment par le Collège des Producteurs.

Objectifs

Le projet SERVEAU a eu pour vocation d’objectiver l'intérêt que peut représenter une valorisation des couverts d'intercultures par les ovins au travers du pâturage afin de :

  1. favoriser le recyclage de l'azote dans le système et donc limiter les pertes vers les ressources en eau potabilisable
  2. faciliter la destruction du couvert
  3. limiter le développement d'adventices et/ou de parasites

Ces deux derniers points permettront de limiter l'utilisation de pesticides et les risques que représentent ceux-ci pour le maintien de la qualité des ressources en eau. De façon complémentaire, le projet s’inscrivait dans une démarche exploratoire pour répondre à la demande du secteur bio relative au développement d'une agriculture de conservation compatible avec l'absence de pesticides.

SERVEAU a également permis de complémenter l'étude européenne DiverImpacts (2017-2021) menée pour la partie belge, entre autres, par le CRA-W et le Collège des Producteurs. Dans le cadre de ce projet visant à la diversification de l'agriculture en général, un cas d'étude repose sur la mobilisation d'un collectif d'éleveurs ovins et de cultivateurs. Les premiers résultats ont montré clairement un manque de précisions et de connaissances des leviers de la pratique, tant au niveau qualitatif que quantitatif. Grâce à l'objectivation de certains impacts réels de la pratique sur les plan agronomique et environnemental, ainsi que leurs incidences économiques.

Dans la pratique

Sur la période 2019-2021, 11 sites expérimentaux in-situ ont été implantés avec les cultivateurs/éleveurs et ont été suivis pendant 2 ans sur les plans agronomique, économique et environnemental avec un focus particulier sur la ressource en eau potabilisable.

Sur chaque site, trois traitements, répétés chacun trois fois, ont été comparés. Ils consistaient en trois modalités de pâturage des couverts d’interculture (non pâturé, pâturage partiel, pâturage total). Les suivis réalisés résidaient en la caractérisation des risques de lessivage de l’azote et de l’impact du pâturage sur la destruction du couvert, sur la pression des adventices et des parasites ainsi que sur le développement de la culture suivante.

Que retenir

Ces deux années d’essai ont permis de confirmer que le pâturage des intercultures par les ovins n’occasionne pas un risque significativement accru de détérioration de la qualité des ressources en eau. Le pâturage génère une légère augmentation de l’azote minéral présent dans les sols juste après le pâturage (+11 kg N/ha). Et bien que le pâturage accélère la transformation de l’azote contenu dans le couvert en azote minéral retrouvé dans le sol, le risque de lessivage de cet azote vers les eaux souterraines n’a pas été plus important pour les parcelles pâturées que pour les parcelles non pâturées dans les conditions des hivers 2019-2020 et 2020-2021. Néanmoins, un suivi plus approfondi dans des conditions climatiques différentes de ces deux hivers serait nécessaire afin d’étayer cette analyse.

Dès lors, le risque de lessivage est d’autant plus lié aux pratiques agricoles mises en place (sol nu durant une longue période, fertilisation avant l’implantation de l’interculture) qu’à la pratique du pâturage en elle-même. 

Les rendements des cultures étudiées (betteraves sucrières, chicorées, pois, haricots, maïs, pommes de terre) n’ont pas été affectés par le pâturage.

De plus, il s’avère que les couverts d’interculture peuvent fournir, selon les conditions bioclimatiques, une quantité de biomasse valorisable par les ovins et présentant une qualité nutritionnelle intéressante. Sur les deux années étudiées, les valeurs nutritionnelles moyennes étaient de 0,97 UFL/kg MS et de 111g PDIE/kg MS. Ce qui correspond aux besoins d’entretien d’une brebis.  

Le retour des ovins dans les systèmes culturaux offre dès lors l’opportunité de développer une filière d’élevage en pleine expansion tout en offrant le gain d’une destruction mécanique du couvert hivernal pour le cultivateur, sans engendrer un risque accru pour la ressource en eau et sans compromettre les performances de la culture suivante.

Partenaires

Université Catholique de Louvain
Le Collège des Producteurs 

Financement

Projet subsidié par la SPGE (appel à projets 2018-2019 pour la protection de la ressource en eau).

Equipe