Du
01 Avril 2001
au
01 Juin 2005

Nuisibilité, piégeage et gestion des populationsde scolytes xylophages en hêtraie

Nuisibilité, piégeage et gestion des populationsde scolytes xylophages en hêtraie

Contexte

En automne 1999, les forestiers d’Ardenne, une région située dans le sud de la Belgique, ont constaté que la hêtraie souffrait d’un mal inaccoutumé : à la base du houppier, de nombreux troncs présentaient, du côté nord, une lésion de grandes dimensions, le plus souvent colonisée par des champignons lignivores et par des insectes xylophages.

L’origine de ce mal demeure hypothétique. Toutefois, l’ampleur du phénomène, son apparition simultanée à une vaste échelle géographique et sa distribution topographique qui a montré que l’altitude et l’exposition aux vents du nord étaient des facteurs déterminants, donnent à penser qu’il s’agit des conséquences d’un événement climatique exceptionnel survenu au cours de l’hiver 1998-1999. L’examen approfondi des lésions, des bourrelets cicatriciels et des cernes d’accroissement fournissent autant d’indices supplémentaires à l’appui de cette hypothèse (Huart & Rondeux, 2001).

Jusqu’au printemps 2001, et malgré le volume impressionnant de bois concerné (250.000 m³ sur 38.000 hectares), l’installation d’insectes xylophages dans des arbres, certes vivants, mais porteurs de grandes nécroses, n’a guère surpris, d’autant moins que seules les nécroses et leurs bordures étaient colonisées par les insectes. Hormis dans les sites les plus touchés, où l’exploitation des nombreux arbres atteints compromettait en elle-même la stabilité des peuplements, l’avenir des arbres sains ne suscitait donc pas d’inquiétude.

Par contre, en mars 2001, des attaques extrêmement abondantes de Trypodendron domesticum et de Trypodendron signatum se sont portées sur le bas des troncs, dans des parties apparemment saines, et également sur de très nombreux arbres ne présentant pas les nécroses qui, jusque-là, avaient caractérisé les bois colonisés par ces scolytes. Cette évolution surprenante, aux allures d’épidémie, a bouleversé les perspectives : il est subitement apparu que les Trypodendron, pourtant considérés comme strictement secondaires, pouvaient, lors de fortes pullulations, s’installer sur des arbres vivants et sans aucun symptôme de faiblesse. Le doute s’est installé quant aux chances de survie des arbres attaqués et donc également, quant au caractère secondaire des scolytes en cause. En tout cas, ces derniers ont montré qu’ils pouvaient être économiquement très nuisibles à la forêt. En effet, même dans l’hypothèse où seuls des arbres affaiblis sont colonisés par les scolytes, la perte de valeur marchande infligée par ces derniers est considérable.

Devant l’ampleur des dégâts et des inconnues, les autorités wallonnes ont décidé de financer plusieurs équipes de recherche, aux spécialités complémentaires : gestion et économie forestière, entomologie, phytopathologie. Une cellule de crise a aussi été mise en place.

Objectifs

Le volet entomologique des recherches entreprises comporte les objectifs suivants :

1)Identification des espèces en cause
Dans les hêtraies atteintes, diverses espèces de scolytes peuvent être capturées en abondance dans des pièges, sans que cela n’indique un quelconque rapport avec le « mal du hêtre » qui sévit en Ardenne. Des essais ont été installés pour identifier les espèces en cause dans le phénomène étudié et pour en mesurer l’importance relative.

2)Primarité /secondarité des Trypodendrons
Une partie de l’expérimentation cherche à vérifier le statut de « ravageurs secondaires » des Trypodendrons, remis en question par les attaques inédites de ces insectes sur des arbres vivants.

3)Biologie des scolytes xylophages
Afin de pouvoir maîtriser la pullulation des scolytes, et limiter ses effets, plusieurs aspects mal connus de la biologie des Trypodendrons et de Xyleborus dispar sont étudiés : périodes de vol, taux de multiplication, capacité de dispersion, modalités et sites d’hivernage, système agrégatif.

4)Piégeage

Substances attractives et dispositifs de piégeage
Les phéromones d’espèces proches et d’autres substances attractives sont testées, seules ou en combinaison, de manière à développer une technique de piégeage aussi efficace que possible. Dans le même but, des grumes-pièges et différents modèles de pièges sont essayés. Ce dernier aspect s’accompagne de l’étude du comportement des scolytes à l’approche des pièges.

Mesure d’impact sur les populations
L’impact du piégeage sur les populations en place est mesuré, dans le but de déterminer l’efficacité et l’opportunité d’éventuelles campagnes de piégeage, espèce par espèce.

5)Mesure et surveillance des populations de scolytes
La mesure correcte des populations de scolytes d’espèces potentiellement nuisibles permettrait de déclencher la prise de mesures par les forestiers lorsque des niveaux déterminés comme critiques seraient atteints. La mise au point de ces mesures fait l’objet de travaux spécifiques en vue de développer, à terme, un réseau de surveillance.

Résultats obtenus

L’analyse de la distribution des galeries de scolytes dans plusieurs peuplements et les données de piégeage ont permis d’identifier T. domesticum comme étant l’espèce de loin la plus abondante et la plus encline à s’installer sur les hêtres vivants.

Contrairement à ce qui était supposé, cette espèce univoltine hiverne principalement dans le bois et émerge dès le mois de février. T. signatum, quant à lui, émerge surtout en été. Il hiverne donc dans divers refuges, hors des galeries où il est né. Ses vols printaniers sont plus tardifs que ceux de T. domesticum.

L’analyse de la répartition des attaques et des essais d’abattages séquentiels n’ont révélé aucun indice de primarité de ces insectes : un arbre fraîchement abattu n’est pas attaqué ; il devient susceptible après quelques semaines.

La linéatine, phéromone utilisée pour le piégeage de T. lineatum, un scolyte technique inféodé aux résineux, s’est avérée très attractive envers les Trypodendrons des feuillus. De plus, un effet synergique remarquable a été observé pour l’association de linéatine et d’éthanol.
Le déploiement de pièges IPM a raison de 4 par hectare, dans un peuplement moyennement atteint par le mal du hêtre (environ 20 % des arbres atteints), a montré qu’il était possible de capturer trois fois plus de Trypodendrons qu’il ne s’en installait dans les arbres. Ces résultats démontrent l’efficacité du piégeage, mais pas son opportunité. En effet, en l’absence d’événement climatique rendant les arbres attractifs, les Trypodendrons, même nombreux, ne causent aucun mal. D’autre part, lorsque les populations sont élevées, les insectes échappant au piégeage sont tellement nombreux que le piégeage semble ne pas pouvoir réduire les dégâts. Il apparaît donc crucial de pouvoir détecter les incidents climatiques ou autres, susceptibles de déclencher pareille crise. Par ailleurs, la mesure des niveaux de populations et la surveillance de ces derniers d’année en année, devraient permettre de détecter les niveaux anormalement élevés et proposer des mesures aux gestionnaires forestiers.
Ce dernier point fait l’objet d’essais coordonnés avec des chercheurs des régions voisines de France, d’Allemagne et du Grand-Duché de Luxembourg.

Partenaires

Le volet entomologique de ce projet de recherche est mené en collaboration avec le Laboratoire de Biologie Animale et Cellulaire (Prof. J.-C. Grégoire) de l’Université Libre de Bruxelles.

Les aspects de gestion et d’économie forestière sont étudiés par O. Huart et J. Rondeux (Faculté Universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux).

Les aspects mycologiques sont pris en charge par F.X. Carlier et H. Maraîte (Université Catholique de Louvain).

Financement

  • SPW - DGARNE