Du
01 Juillet
au
31 Décembre 2013

MYCOTOX

La fusariose de l’épi en froment d’hiver: étude des populations fongiques et évaluation des risques de contamination par des mycotoxines

Contexte

Depuis plus de 10 ans, le CRAW étudie la fusariose de l’épi en culture de froment d’hiver. Cette maladie, causée par un complexe de champignons, est responsable de pertes de rendement, mais peut aussi provoquer une diminution de la qualité des récoltes par la production de mycotoxines. Les épis infectés se dessèchent fin juin-début juillet de manière groupée ou isolément. Par la suite, des spores de champignons de teinte rose-orange sont visibles à la base des glumes (fig. 1).

La contamination des récoltes par les mycotoxines est à la fois un problème sanitaire, et économique. Sanitaire d’une part parce que les mycotoxines sont des molécules présentant une toxicité, plutôt de type chronique,  pour l’homme ou l’animal qui consommerait des produits contaminés. Economique ensuite car des teneurs maximales autorisées ont été fixées par l’Union Européenne pour certaines de ces molécules dans des grains destinés à la consommation humaine (règlement 1881/2006 ; http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:364:0005:0024:FR:PDF ). Les lots de froment panifiables  présentant une teneur en mycotoxines supérieure aux seuils autorisés doivent être orientés vers d'autres usages et déclassés. L'amidonnerie glutennerie et les industries de production de bio-éthanol appliquent les mêmes exigences que la meunerie-boulangerie car elles valorisent certaines fractions en alimentation humaine.

Objectifs

Pour tenter d’aider à la fois les agriculteurs, mais aussi les négociants, une recherche a été initiée dès 2001, avec comme objectif d’évaluer le niveau de contamination des récoltes en Wallonie, d’identifier des pratiques culturales à risque pour le développement de la maladie, et de mettre en place un outil permettant aux négociants de gérer la problématique au mieux (procédure d’allotement). Un objectif plus prospectif était aussi d’analyser les populations de champignons responsables de la fusariose de l’épi en vue de mettre en évidence soit l’apparition de nouvelles espèces de champignons, soit une modification des fréquences des espèces indigènes, notamment dans un contexte de changements globaux (climat, pratiques culturales, accroissements des échanges internationaux). Cet objectif est d’autant plus important à étudier que le type de mycotoxines produites et les facteurs de risque de développement de la maladie peuvent être très différents selon l’espèce fongique responsable de la maladie. Enfin, l’influence du mode de culture (biologique / conventionnel) sur les populations de champignons responsables de la fusariose des épis en froment d’hiver est aussi abordée dans le cadre du projet BioGeocarbo (https://www.cra.wallonie.be/fr/19/les-projets/276).

Description des tâches

Le projet prévoit la collecte chaque année quelques jours avant la récolte d’épis de froment dans des champs de la pratique en collaboration avec un réseau d’agriculteurs situés dans la zone de culture céréalière. Les échantillons sont utilisés pour le dosage de mycotoxines (par ELISA) et l’étude des populations fongiques (par isolement et analyse microbiologique, et par PCR).

Résultats attendus

-        Evolution des populations de champignons responsables de la fusariose des épis et de certaines des mycotoxines qu’ils produisent dans un contexte de changements globaux (climat, pratiques culturales, modes de culture)

-        Système d’avertissement pour le négoce : détermination du risque de contamination des récoltes de froment d’hiver au moment de la récolte.

Résultats obtenus

a)   Les populations de champignons responsables de la fusariose de l’épi en Wallonie

Plusieurs champignons peuvent induire des symptômes de fusariose de l’épi. La plupart sont des champignons appartenant au genre Fusarium et produisent diverses mycotoxines dont le déoxynivalénol (DON), la zéaralénone (ZEA), le nivalénol (NIV), mais aussi les toxines T2 et HT2. Ces deux dernières molécules sont beaucoup plus toxiques que le DON. Elles devraient être réglementées au niveau européen très prochainement. Une espèce est par contre un peu différente. Cette espèce, appelée Microdochium nivale, bien qu’induisant des symptômes similaires à ceux causés par les Fusarium ne produit pas de mycotoxine.

Un suivi des populations des champignons responsables de la fusariose de l’épi est effectué depuis 2003 par analyse de la flore fongique des grains sur milieu de culture (fig. 2A).

En 2002, 2007 et 2008 (années à  fusariose des épis), les deux espèces le plus souvent détectées dans des grains atteints de fusariose de l’épi étaient Fusarium graminearum (producteur de DON, de ZEA et de NIV) et Microdochium nivale (non producteur de mycotoxine). Les autres années, ces deux espèces étaient aussi présentes mais en quantité nettement moindre et en mélange avec d’autres espèces de Fusarium dont F. poae (producteur de DON et de NIV) et F. avenaceum (producteur de moniliformine et de beauvericine, deux mycotoxines non réglementées). L’espèce F. langsethiae (producteur de T2/HT2) a été observée pour la première fois en 2008. Cette espèce est particulièrement dangereuse en raison des mycotoxines qu’elle produit. 

Une étude de la diversité génétique et phénotypique de l’espèce Fusarium graminearum, principale espèce rencontrée sur les grains infectés par la fusariose des épis, est en cours. Cette étude est réalisée en collaboration avec l’équipe du Dr Mingeot (CRAW).

b)   Le taux de contamination en DON des récoltes de froment d’hiver en Wallonie

Un suivi du déoxynivalénol (DON), l’une des mycotoxines produites par les champignons responsables de la fusariose des épis est effectué depuis 2002 dans un réseau de champs situés dans toute la zone de culture céréalière. Le choix de cette mycotoxine en particulier se justifiait d’une part parce qu’il s’agit d’une des mycotoxines le plus souvent retrouvées dans des grains infectés, et d’autre part parce qu’elle constitue avec la zéaralénone (ZEA), l’une des 2 molécules pour lesquelles l’Union Européenne a fixé des teneurs maximales autorisées dans les grains destinés à la consommation humaine (1250 µg/kg pour le DON et 100 µg/kg pour la ZEA, règlement 1881/2006). Pour ce qui est de l'alimentation animale, les recommandations européennes (2006/576/CE)sont de maximum 8000 µg/kg pour le DON et 2000 µg/kg pour la ZEA.

La méthode utilisée pour le dosage est la méthode ELISA quantitative (test compétitif) (fig. 2B).

Les teneurs moyennes en DON observées au cours des 12 dernières années étaient très variables. Les années 2002, 2007 et 2008 ont été des années « à risque élevé » avec des teneurs en DON  supérieures à 1250 µg/kg pour un nombre relativement important de lots. Au contraire, pour les 8 autres années de l’étude, les taux moyens de DON étaient relativement faibles.

En raison de la découverte depuis 2008 de l’espèce Fusarium langsethiae (voir point a), un suivi de la mycotoxine T2 est réalisé depuis 2012. Les analyses se font aussi par ELISA. Les résultats pour 2012 ont montré que les taux de toxine T2 étaient relativement bas (moyenne des valeurs inférieure à 100 ppb).

b) L’aide au négoce

Grâce aux données récoltées lors des enquêtes annuelles, il est apparu qu’il y avait des années à risque et des années sans véritable risque pour les productions de froment d’hiver en Wallonie. Partant de ce constat, deux approches ont été suivies pour aider les négociants stockeurs à gérer les lots à la récolte.

La première approche mise en place depuis 2010 consiste à effectuer une collecte d’épis quelques jours avant la récolte et d’effectuer des analyses rapides du taux de DON en vue de préciser le risque annuel (année à risque ou pas). Pour cette première approche, les collectes d’épis sont effectuées sous l’égide de la filière Grandes Cultures avec la collaboration de plusieurs instituts (CPL Végémar en Province de Liège, CARAH en Province de Hainaut et ULg Agro-Biotech en Province de Namur). Grâce à cette collaboration, une centaine de parcelles peut être échantillonnée chaque année, ce qui permet de fournir une réponse fiable et en temps utile à la filière en termes de risque annuel de contamination en DON des récoltes. En cas d’année à risque, les contrôles doivent être intensifiés à la récolte d'une part pour orienter les lots en fonction de leur utilisation (meunerie-boulangerie, amidonnerie-glutennerie, industrie du bio-éthanol, alimentation animale) et d'autre part pour limiter les mélanges de lots sains et de lots contaminés dans les silos surtout pour les industries valorisant des produits ou des co-produits en alimentation humaine. Le choix des lots à analyser dépend des risques culturaux (voir point c, conseils aux agriculteurs) et des voies de valorisation envisagées.

Une seconde approche est actuellement évaluée pour pouvoir établir le type d’année (à risque ou pas) dès la mi-juillet sur base des conditions météorologiques sur une période de 21 jours centrée sur la floraison de la céréale. Une première étude, menée entre 2003 et 2009 en partenariat avec l’équipe du Dr R. Oger (CRAW, Unité Systèmes agraires, territoire et technologies de l’Information) a permis de distinguer les années à risque élevé de contamination en DON (2007 et 2008) des années sans risque (2002 à 2006 et 2009) sur base du nombre de jours avec une humidité relative supérieure à 80% durant la période de floraison de la céréale.

c)    Les conseils aux agriculteurs

Lors des collectes d’épis réalisées quelques jours avant les moissons, des données ont été collectées en ce qui concerne les précédents culturaux, le type de labour et la variété de froment cultivée. Ces données ont été utilisées pour établir les pratiques à risque de développement de la fusariose de l’épi. De cette étude il ressort que le précédent maïs, le non  labour et l’utilisation d’une variété de froment sensible à la maladie constituent les 3 principaux facteurs de risque, mais uniquement en année à risque, c’est-à-dire lorsque les conditions météorologiques au moment de la floraison de la céréale sont propices au développement de la maladie.

Partenaires

CRAW, Unité Technologies de la transformation des produits (Dr G. Sinnaeve)

CRAW, Unité Génie Biologique (Dr D. Mingeot)

CRAW, Unité Authentification et traçabilité (Dr F. Debode)

Partenariat extérieur : Filière Grandes cultures, CARAH (Hainaut), CPL Végémar (Liège), ULG-Agro-Biotech (Namur), SPW (Brabant Wallon).

Financement

  • CRA-W - Centre wallon de Recherches agronomiques
  • SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement

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