Du
05 Janvier 2011
au
27 Septembre 2018

GRASSMILK

Face à l’actuelle crise laitière, les producteurs cherchent aujourd’hui à minimiser leur coût de production. Projet RW DGARNE, coordinateur

Contexte

En Wallonie, comme dans le reste de l’Europe, la situation des éleveurs laitiers est préoccupante. En effet, dans le contexte actuel de disparition des quotas laitiers et de diminution du prix du lait, la situation économique de ces élevages est de plus en plus précaire. En parallèle, la société est soucieuse de l’impact environnemental des produits qu’elle consomme et se préoccupe grandement de l’incidence de son alimentation sur la santé. Or le lait est souvent décrié par les médias d’un point de vue alimentaire (le lait serait trop riche en acides gras saturés par exemple) alors que les productions bovines souffrent d’une mauvaise perception de leur impact environnemental (l’élevage de bovins produit des gaz à effet de serre.)

 

D’un point de vue économique, deux leviers, au sein de l’atelier laitier, sont actionnables dans le but d’en améliorer sa rentabilité : diminuer les coûts de production, en particulier les coûts d’alimentation du troupeau, et augmenter les recettes en produisant un lait de qualité différenciée.

 

Le recours à davantage de productions herbagères de bonne qualité permet de minimiser les dépenses relatives à l’alimentation du bétail. En effet, la gestion optimisée d’herbages contenant entre autre des légumineuses permet des économies d’intrants et d’achats d’aliments et renforce l’autonomie alimentaire et protéique de l’exploitation.

De plus, l’utilisation de prairies a un impact favorable sur l’environnement (puits de carbone, biodiversité…) et véhicule ainsi une image positive de l’élevage laitier, plus respectueux de la nature et du bien-être animal.

 

En outre, un lait produit à l’herbe sera généralement plus riche en acides gras insaturés (oméga 3, oméga 6, CLA,…) et en vitamines favorables à la santé. De surcroit, un apport en légumineuses dans la ration des animaux permet de produire un lait enrichi en équol, molécule ayant certains effets intéressants sur la population humaine.

Objectifs

Le projet s’est attaché dans un premier temps (2011-2015) à

  • Identifier les légumineuses les plus aptes à améliorer la composition du lait, au regard de la santé humaine (acides gras insaturés, teneur en phyto-oestrogènes et en équol)
  • Contribuer au développement d’un outil de mesure directe de la qualité de l’herbe fraîche
  • Etudier l’impact de la consommation de légumineuses par la vache sur la qualité de son lait (que ce soit par le pâturage ou par la consommation de fourrages conservés)
  • Développer, en partenariat avec le projet PhytoHealth, une méthode analytique rapide et précise de dosage des phyto-oestrogènes et de l’équol dans différentes matrices (lait et végétaux).

Dans un deuxième temps (2016-2018), le projet répondra plus concrètement aux attentes des producteurs et/ou des industriels et/ou des consommateurs à travers :

  • L’étude de la réalité des pratiques agricoles et des possibilités de production d’un lait de qualité différenciée à travers la mise en place et le suivi d’un réseau de fermes
  • L’étude de l’évolution des teneurs en phyto-oestrogènes dans un ensilage mixte ray-gras/trèfle violet afin de définir les meilleures pratiques pour assurer d’une part un ensilage de bonne valeur alimentaire et d’autre part de conserver les isoflavones permettant la production d’un lait enrichi en équol.
  • L’étude de l’impact des traitements du lait (pasteurisation, stérilisation) sur sa composition et en particulier sur sa teneur en équol en vue d’une possible valorisation du lait cru enrichi en équol.
  • L’étude d’un concept alimentaire permettant de produire un lait de qualité différenciée, tout en limitant l’impact environnemental de la vache et le coût alimentaire de la ration.

Description des tâches

Le projet est tant horizontal que vertical, intégrant à chaque étape des recherches de pointe, depuis la sélection et la production de matériel végétal, les aspects zootechniques, le recours à la spectrométrie proche infra-rouge, le suivi qualitatif du lait et jusqu’à des aspects plus systémiques relatifs aux modalités de production ainsi qu’à leurs impacts technico-économiques et environnementaux.

La première étape concernait la sélection classique (et in vitro) de végétaux riches en certains phyto-œstrogènes. L’étude portait principalement sur les légumineuses prairiales (trèfle blanc et violet, sainfoin, luzerne lupuline, luzerne, sainfoin, lotier) dont les nombreuses variétés présentent des différences importantes de teneurs en composés d’intérêt. Elles présentent aussi l’avantage de pouvoir s’implanter facilement dans les prairies wallonnes. Une distinction a été faite entre les variétés de fauche et les variétés supportant le pâturage. La seconde étape, toujours en cours, visera le développement d’un outil de mesure in situ de la qualité de l’herbe. Il devra permettre d’en estimer la valeur alimentaire, les caractéristiques botaniques et, éventuellement, d’en approcher la teneur en isoflavones sans prétraitement des échantillons. Cette innovation découlera des techniques actuelles spectroscopiques proche infrarouge (NIR embarqué, portable ou caméra …).

La valeur nutritionnelle de différents couverts prairiaux (purs et en mélanges) sera analysée tout au long du projet, de manière traditionnelle et par spectrométrie IR in situ, afin de calibrer l’appareil de mesure. La mise en place d’un tel outil permettra d’aider l’exploitant agricole à mieux raisonner la gestion et la valorisation de ses fourrages en fonction des qualités récoltées.

 

La troisième étape consistait à comparer l’impact de prairies riches en légumineuses d’un point de vue zootechnique, agronomique, environnemental et économique. Des vaches laitières ont pâturé des parcelles d’essai, en rotation, et ont reçu une complémentation. Tandis que la composition du lait était analysée. D’autre paramètres ont également été pris en compte tels que la valeur nutritionnelle de l’herbe pâturée, la composition floristique du couvert, le mode de gestion du pâturage, ainsi que les biomasses disponibles et ingérées. Une relation entre la biomasse et la hauteur d’herbe a été définie pour chaque association. Enfin, l’aspect économique a été envisagé via le calcul du coût alimentaire par litre de lait produit. La quatrième étape s’inscrit dans la continuité de la précédente et vise à qualifier la représentativité des laits, obtenus sur prairies riches en légumineuses, par rapport aux laits « classiques ». L’intérêt de faire pâturer de telles associations concernant la qualité du lait a ainsi été estimé.

L’incidence du type de couvert ainsi que l’influence de la saison ont été pris en compte.. Le temps de latence a été évalué et les essais ont été faits tant en été que durant la période hivernale, le but étant de produire un lait aux qualités intéressantes tout au long de l’année. Dès lors, des fourrages riches en légumineuses ont été distribués en hiver et leur appétence et digestibilité mesurées.

La cinquième étape du projet était plus horizontale et résidait dans le développement d’outils analytiques, nécessaires aussi bien à caractériser la teneur en isoflavones des légumineuses, qu’à suivre leur métabolisation par la vache.

A chaque étape, des analyses fines ont été menées pour caractériser et doser précisément les phyto-œstrogènes (isoflavones et lignanes, ainsi que leurs dérivés) dans les différentes matrices végétales et animales. Pour de nombreuses molécules, il a été fait appel à la chromatographie liquide haute performante (UPLC) couplée à un spectromètre de masse en tandem (MSMS). Cette technologie présente l’avantage d’être particulièrement sensible pour la détection de composés à l’état de trace et de réduire considérablement les temps d‘analyse.

 

La sixième étape du projet s’intéressera à la réalité des pratiques agricoles et à leur impact sur la production d’un lait de qualité différenciée. La mise en place d’un réseau de six fermes et le suivi de leurs pratiques durant une année permettra de relier pratiques agricoles et qualité du lait. Pour cela, au sein de chaque ferme, des passages réguliers permettront de prélever des échantillons de lait (analyse de la qualité), des échantillons de la ration des animaux et de noter les caractéristiques de gestion du troupeau pouvant influencer la qualité du lait (niveau de production, durée de la lactation, race…). Ce suivi permettra d’une part de conforter les résultats obtenus en conditions expérimentales, mais aussi de pouvoir communiquer sur les pratiques à adopter pour produire un lait de qualité différenciée

 

La septième étape du projet s’intéressera à l’impact des processus de transformation sur la qualité du lait. Le lait étant principalement consommé sous une forme transformée (que ce soit après pasteurisation, stérilisation ou sous forme de yaourt, fromage…), il convient de s’assurer que les bénéfices obtenus via l’apport de légumineuses dans la ration des vaches laitières ne sont pas annulés lors de ces différents processus.

 

Enfin, la dernière étape du projet consistera en l’étude, en station expérimentale, d’un concept alimentaire permettant de produire un lait de qualité différenciée, sur base des résultats obtenus dans ce projet, tout en limitant l’impact environnemental de la vache (rejets d’azote et production de méthane). Ce concept tiendra aussi compte du coût alimentaire de la ration.

 

Résultats attendus

Les résultats permettront de mettre en évidence les avantages et les limites dans l’utilisation des associations graminée-légumineuse, dans les exploitations laitières.  Le projet évaluera cette possibilité selon différents axes : agronomiques, zootechnique et sociétal, avec des aspects environnementaux et de qualité des produits. Il ambitionne également de pouvoir identifier les intérêts de ces associations pour les acteurs de la filière lait, à savoir les producteurs, les industriels et les consommateurs. Chacun ayant leurs propres exigences. De manière plus concrète, le projet aboutira à la caractérisation des teneurs en phytoestrogènes de légumineuses sélectionnées, cultivables en Région Wallonne, en fonction de leur stade de développement. La mise en place de pâtures de composition spécifique devrait permettre la production d’une herbe (et de fourrages herbagers) riche en isoflavones. L’utilisation de ces plantes dans l’alimentation animale devrait accroître la teneur du lait en molécules d’intérêt comme l’équol ou certains acides gras. La valeur « santé » du lait pourra aussi être quantifiée, grâce aux nouvelles méthodes analytiques développées. Cela constituera un critère de traçabilité garant de qualité auprès du consommateur. Enfin, un outil rapide de mesure in situ de la qualité nutritionnelle de l’herbe sera également développé, afin d’optimiser la complémentation des rations animales. Les résultats reposeront aussi bien sur des mesures prises en station expérimentale que chez des agriculteurs appartenant à un réseau de fermes.

Contribution

U1, U6, U7, U14, U15

Partenaires

Aspects sélection végétale :                Dr. P. Geerts, p.geerts@cra.wallonie.be (CRAW – U1)
Aspects prairies :                                 Ir. V. Decruyenaere, decruyenaere@cra.wallonie.be (CRAW – U7)
Aspects zootechniques et santé :       Dr. E. Froidmont, froidmont@cra.wallonie.be (CRAW – U6)
Aspects analytiques :                          Dr. J.M. Romnée, romnee@cra.wallonie.be (CRAW – U14) Dr. Ir. V. Baeten, baeten@cra.wallonie.be (CRA-W   –   U15)

Contacts :
Scientifique attaché au projet :           Ir. A. Lefevre (CRA-W - U6)

Coordinateur hors CRA-W

Dr. Eric Froidmont Coordinateur de l'Unité 'Nutrition animale et Durabilité' Bâtiment Vissac, Rue de Liroux 8, 5030 Gembloux 081/62.67.74 e.froidmont@cra.wallonie.be

Financement

  • SPW - DGARNE