07 Décembre 2023

Les nouvelles techniques de modification du génome

Le 5 juillet 2023, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement concernant les nouvelles techniques génomiques (NTG) pour la modification de génomes des plantes.

Cette proposition vient réalimenter le débat OGM autour de ces nouvelles technologies.

Les objectifs annoncés par cette révision de la législation sont multiples : conserver la compétitivité des entreprises au niveau de la recherche et de l’innovation, ne pas se priver de solutions qui peuvent apporter plus de résilience au secteur agro-alimentaire et mettre à jour une législation qui date de plus de 20 ans.

 

Qu'est ce que les techniques de modification du génome ?

 

Avant d’expliquer en quoi consistent les NTG, il convient de faire un petit rappel sur les OGM « traditionnels » et d’expliquer les différences qu’apportent les nouvelles techniques de modification du génome.

 

Un OGM, tel que défini par la directive 2001/18 actuellement en vigueur, est « un organisme dont le matériel génétique a été modifié de manière à ne pas se produire naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». Les modifications apportées peuvent se transmettre à la descendance.

 

Cette directive liste un ensemble de techniques qui conduisent à la production d’OGM. La modification la plus courante à cette époque était la transgénèse qui consiste à préparer de nouvelles combinaisons de matériel génétique et à les intégrer dans les cellules. Les séquences peuvent être isolées d’organismes très divers comme des virus, des bactéries ou d’autres plantes et ensuite être intégrées dans le génome de la plante. Les constructions comportent généralement un gène qui apporte une nouvelle fonction à la plante et, le plus souvent, les différentes parties de la construction transgénique (promoteur, gène, terminateur) proviennent d’organismes distincts. Par ailleurs, les techniques de cette époque ne permettaient pas de prévoir où la construction artificielle allait s’intégrer dans le génome de la plante. 

 

Lorsque le matériel introduit artificiellement provient de la même plante ou d’une autre plante taxonomiquement proche qui aurait pu se croiser avec elle, on ne parle plus de transgenèse mais  d’intragenèse ou de cisgenèse, selon que la séquence a ou non été retravaillée.

 

Sont ensuite apparues les techniques d’édition ciblée du génome et de mutagénèse dirigée. Elles diffèrent des autres sur deux points : tout d’abord on peut choisir l’endroit précis du génome où l’on va intégrer de longues séquences d’ADN ou juste procéder à quelques petites modifications comme la suppression, l’ajout, ou le remplacement d’un ou de plusieurs nucléotides. De nombreuses techniques de mutagénèse dirigée ont été développées mais la plus répandue est sans conteste la technique CRISPR/cas car elle est la plus facile à appliquer et la moins onéreuse. Cette technique permet d’agir à un endroit précis du génome grâce à une séquence guide qui va permettre de se positionner à proximité du point où l’on souhaite apporter une modification. L’enzyme « cas » va effectuer une coupure à l’endroit souhaité et la machinerie va intégrer ou modifier une séquence à cet endroit. 

Un changement d’un nucléotide peut parfois suffire pour modifier la fonction d’un gène. A titre d’exemple, la modification d’un seul nucléotide sur un gène précis peut permettre de conférer à la plante une tolérance à un herbicide (exemple : le colza 5715 commercialisé par la firme canadienne Cibus) ou d’effectuer une fonction de « knock-out », c’est-à-dire réduire l’expression d’un gène (par exemple pour réduire le brunissement de produits après récolte et prolonger leur conservation ; un champignon avec cette caractéristique est déjà commercialisé aux USA).

 

Dans le cadre du projet GenEdit, financé par le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, visant le développement et l’évaluation de techniques ainsi que de stratégies de détection de modifications génomiques ténues, le Centre wallon de Recherches Agronomiques (CRA-W) a créé une base de données recensant près de 1000 entrées détaillant des modifications par NTG issues de travaux de recherche. Cela concerne principalement des plantes mais aussi les animaux et quelques microorganismes. Moins d’une dizaine d’organismes sont cependant commercialisés pour l’instant. 

 

Image

Les applications sont diverses : tolérance aux stress biotiques (résistances aux virus, bactéries ou champignons), tolérance aux stress abiotiques (sécheresse, froid, salinité), tolérance aux herbicides, modification de la composition des aliments (teneurs en acides gras, sucres, protéines, lignine, composition du lait), augmentation de la production de viande, rendement et traits agronomiques (taille, couleur, floraison, murissement), applications médicales ou recherche pure. A l’heure actuelle, de nouvelles applications sont développées dans toutes les parties du monde, mais les 2/3 des applications proviennent toutefois de la Chine et des Etats-Unis.

 

Deux catégories de NTG dans la nouvelle proposition

 

La nouvelle proposition de règlement fait une différence entre deux catégories de modifications des plantes. Pour résumer cela simplement, les NTG1 sont considérées comme équivalentes aux plantes conventionnelles, tandis que les NTG2 sont soumises aux mêmes règles de traçabilité et d’étiquetage que les OGM traditionnels.

 

Les NTG1 doivent répondre à des critères bien définis dans une annexe de la proposition. L’un d’eux est que l’on n’excède pas la modification ou l’ajout de 20 nucléotides. Un autre critère est que les modifications soient similaires à celles qui auraient pu être produites suite à un croisement naturel avec une espèce taxonomiquement proche. Le seuil de 20 nucléotides a été avancé car certaines études scientifiques considèrent que ce type de modification peut être rencontré dans la nature. Ensuite, ce critère vise à tenir compte du challenge qui consiste à détecter les modifications apportées au génome. Les techniques de mutagénèse dirigée ténues ne laissant pas de trace d’une modification artificielle dans le génome, il est quasi impossible de mettre au point des stratégies de contrôle applicables à la filière alimentaire. C’est pour cette raison que la proposition ne prévoit pas d’étiquetage lié à la présence de matériel issu de NTG1.   Si la distinction entre un individu modifié bien précis et un individu non modifié est tout à fait faisable actuellement, l’application à un produit alimentaire qui consiste en une large population d’individus est beaucoup plus compliquée si l’on veut appliquer les critères de performances qui doivent être atteint pour détecter les OGM conventionnels. De plus, il est, à l’heure actuelle, quasi impossible de déterminer si la mutation s’est faite de manière naturelle ou a été induite par l’homme. De nouvelles méthodologies de détection sont à l’étude et les laboratoires qui constituent le laboratoire national de référence (LNR) belge (le CRA-W, l’ILVO et Sciensano) sont actifs à ce niveau grâce à des projets financés au niveau belge (projet GenEdit) ou au niveau européen (exemple, le projet européen DETECTIVE qui va débuter en janvier 2024).

Novembre 2023 - FUGEA - La lettre paysanne n°137 - Les nouvelles techniques génomiques

Equipe