08 Mars 2021

Jeu de Cartes CRA-tout

Une façon ludique d’en apprendre davantage sur les enjeux de la durabilité en alimentation des ruminants !

Explication du jeu

CRA’TOUT est un jeu d’atouts couplé à un jeu des 7 familles vous permettant d’en apprendre davantage  sur les enjeux de la durabilité en alimentation des ruminants en Wallonie !

Objectif

Nourrir les animaux de la ferme n’est pas aussi facile qu’il y parait ! Comment l’éleveur fait-il pour couvrir les besoins nutritionnels des différents animaux présents dans sa ferme ?  Il compose une « ration », un repas à partir d’aliments qu’il produit et/ou achète en tenant compte du fait que chaque aliment possède une composition (teneurs en amidon, fibres, protéines, …) qui lui est propre et que les quantités disponibles ne sont pas constantes (saison, conditions climatiques, zones de production, prix, …).

Cependant, il faut aussi prendre en compte la qualité de vie des éleveurs (charge et pénibilité du travail), la rentabilité économique, les effets sur l’environnement, la compétition avec l’alimentation humaine, etc. L’élevage de ruminant doit être durable ! Au-delà des aspects nutritionnels, l’alimentation animale devient donc un sujet de compromis sans cesse renouvelés face à de nombreuses attentes, un sujet de société.

Ce jeu de cartes, adapté pour les petits comme pour les plus grands, est un moyen  ludique pour aborder cette facette de nos sujets de recherche en élevage : la complexité de définir une alimentation animale durable.

Le jeu des 7 familles permet d’observer la diversité des aliments entrant potentiellement dans les repas des ruminants, tandis que le jeu d’atouts permet d’illustrer les compromis existants à partir de quelques paramètres, pour un même aliment, et entre aliments.
origine des données

Méthodologie et origine des données

Les données présentes dans le jeu sont dérivées de différentes bases de données. Les valeurs nutritionnelles en termes d’énergie et protéines proviennent de la base de données alimentaires d’Élévéo (groupe awé) et des tables d’alimentation de l’INRAe (2018). Les données relatives aux émissions de gaz à effet de serre proviennent d’Agribalyse (v3 ; 2020), Ecoinvent (v3.3) et du projet ALT4CER du CRA-W (2010-2013). Enfin, les coefficients de compétition feed-food (PPC) proviennent d’un article de S. Laisse (2019) et du projet CASDAR ERADAL n°5710.

Les valeurs reprises dans les cartes de jeu restent toutefois indicatives, car elles peuvent varier notamment en fonction des conditions de production et du stade de développement des plantes au moment de la récolte.

Unités reprises dans les cartes de jeu

Signification

DVE

gramme de DVE (protéines digestibles dans l’intestin) par kilo de matière sèche

VEM

VEM ou unité fourragère lait (énergie d’un gramme d’orge)

%MS

Pourcentage de matière sèche (MS)

téq CO2

Equivalent CO2 par tonne de matière sèche

%PPC

Pourcentage de la Part de Protéines Consommables

 

Règle des jeux

Vous pouvez jouer avec ces cartes pour apprendre ou pour vous amuser, de différentes manières. Nous vous en proposons deux. 

JEU D’ATOUT

A tour de rôle, dans le sens des aiguilles d’une montre, un joueur mélange puis distribue, une à une, un nombre égal de cartes à chaque joueur. Ces derniers les gardent en tas, face cachée.

Pour commencer, chacun retourne une première carte de son tas et le donneur annonce et révèle la valeur qui lui semble être la plus importante parmi les 5 indica­teurs de sa carte aliment.

Le gagnant est le joueur ayant la valeur la plus élevée si l’indicateur choisi est l’un des 3 premiers indicateurs (protéines, énergie, matière sèche) ou le joueur ayant la valeur la moins élevée si l’indicateur choisi est l’un des 2 derniers indicateurs (empreinte climatique, compétition feed/food). Le gagnant du tour prend les cartes de tous les autres joueurs, les met sous son tas et chacun retourne la suivante.

C’est toujours celui qui ramasse les cartes, donc celui qui a le plus fort atout, qui parle au tour suivant.

En cas d’égalité du plus fort atout, les 2 joueurs concernés (et seulement eux) re­tournent une seconde carte pour se départager.

Le vainqueur est celui qui arrive à posséder l’ensemble des cartes !

  

JEU DES 7 FAMILLES

Ce jeu compte 7 familles (catégories d’aliment), chacune composées de 7 cartes (aliments) identifiées par un chiffre dans le coin de la photo.

A tour de rôle, dans le sens des aiguilles d’une montre, un joueur mélange puis distri­bue, une à une, 7 cartes à chaque joueur. Le reste fait office de pioche.

Pour commencer, le donneur demande à la personne de son choix s’il possède l'aliment qu’il souhaite. Si le joueur questionné le possède, il doit lui donner. S’il ne le possède pas, le donneur doit piocher une carte.

Si lors de la pioche, le joueur tire la carte souhaitée, il doit dire à haute voix « Bonne pioche! » et peut rejouer en redemandant une autre carte à l’un des joueurs. S’il ne pioche pas la carte voulue, il passe son tour et c’est au joueur à sa gauche de demander une carte de son choix.

Attention! Un joueur ne peut demander une carte d’une famille donnée que s’il en possède déjà une dans son jeu.

Si un joueur possède les 7 cartes d’une famille d'aliments, il pose la famille complète devant lui et la partie continue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de cartes à piocher.

Le vainqueur est celui qui possède le plus de familles devant lui à la fin !

L'alimentation des ruminants

Les ruminants (bovins, ovins, caprins, …) sont des herbivores : leur alimentation est composée de végétaux.
Ils possèdent 4 estomacs : le rumen, le bonnet, le feuillet et la caillette.

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La rumination est un type de digestion très particulier et performant permettant une bonne valorisation des fibres (principalement la cellulose), non digestibles par l’homme, de l’herbe et d’autres fourrages ! Une fois les aliments ingérés, ils fermentent dans le rumen, un grand réservoir rempli de milliards de micro-organismes (bactéries, protozoaires, champignons, archées). Ce sont eux qui pré-digèrent les aliments pour les ruminants. Les fibres de trop grandes tailles et coriaces à la digestion sont régurgitées vers la bouche et remastiquées puis renvoyées vers le rumen. C’est la rumination. On peut souvent l’observer lorsque les vaches se couchent en été dans les prairies. Une fois les particules alimentaires d’assez petite taille, elles transitent via le feuillet pour atteindre la caillette, estomac « véritable » où se passent une digestion enzymatique, équivalent à l’estomac des êtres humains.

Le réseau, ou bonnet, quant à lui, joue le gendarme en régulant la circulation des particules en fonction de leur taille (vers la bouche, le rumen ou le feuillet).

Chaque jour, l'animal cherche à consommer les aliments nécessaires pour couvrir ses besoins : la « ration ». Elle diffère selon la saison, la région d'élevage et les besoins de l'animal. Ces besoins dépendent entre autres du sexe, de l’âge, et du type de production principale (viande ou lait). L’éleveur doit donc composer « une ration », un repas, couvrant les besoins alimentaires des animaux à partir des différents aliments disponibles sur la ferme en fonction de la saison et de la région. A cela, il peut également ajouter des aliments achetés à l’extérieur de la ferme.

Lorsque l’on retire l’eau contenue dans un aliment, on obtient ce qu’on appelle la matière sèche (MS). Tous les aliments contiennent une certaine fraction de MS, pouvant varier de 10% (fort humide) à plus de 90% (plutôt sec) selon leur nature et leur forme.

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Dans la fraction sèche, la valeur alimentaire d’un aliment, pour un ruminant, est principalement définie en termes d’apport en énergie (exprimé en VEM ou unité fourragère lait) et en protéines (exprimé en DVE ou protéines digestibles dans l’intestin). Certains aliments sont plutôt bien équilibrés tandis que d’autres sont riches en énergie mais pauvres en protéines. Pour d’autres, c’est l’inverse : ils sont pauvres en énergie et riches en protéines. C’est à l’éleveur d’en tenir compte pour arriver à une ration équilibrée, c’est-à-dire adéquate en énergie et protéines !  Par ailleurs, d’autres éléments sont également nécessaires à une bonne santé des ruminants : ce sont les macro-éléments (Ca, P, Na, Mg), les oligo-éléments (Cu, Zn, Mn) et les vitamines (A, D, E). 

La durabilité en alimentation animale

Pour rendre l’alimentation animale plus durable, il faut qu’elle
(1) permette à l’animal de se développer et d’être en bonne santé,
(2) permette à l’éleveur de gagner sa vie sans être débordé par son travail,
(3) ne limite pas l’accès de l’Homme à une alimentation saine et équilibrée et
(4) préserve l’environnement dont le climat.


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De nombreux indicateurs environnementaux (émissions gaz à effte de serre, utilisation de pesticides, facteurs d’érosion, déforestation, etc.), sociaux (temps de travail, pénibilité du travail, compétition avec l’alimentation humaine, utilisation de terres, etc.) et économiques (coût, stabilité du prix, valeur alimentaire, autonomie, …) peuvent permettre d’évaluer la pertinence d’un aliment par rapport à un autre.  Dans ce jeu, nous en avons sélectionnés quelques-uns pour illustrer la complexité de la situation qui repose sur un compromis ! 

En effet, par exemple, un aliment bon marché peut être consommable par l’Homme, produit très loin ou engendrer de la déforestation. À contrario, produire un aliment à la ferme nécessitera moins de transport mais utilisera peut-être des terres qui auraient permis d’autres cultures ou nécessitera une irrigation.

Il a été choisi de ne pas reprendre d’indicateur économique dans ce jeu car les prix sont trop fluctuants et dépendent du moment de l’achat de l’aliment, de son origine et de son mode de fabrication notamment. Il n’en reste pas moins un indicateur essentiel que chaque éleveur prend en compte.

 

Les familles d'aliments

La ration d’un ruminant se compose de fourrages, consommés frais ou conservés, que viennent compléter les autres catégories d’aliments que sont les céréales, les tubercules et racines, les oléo-protéagineux, les co-produits de ces aliments et les minéraux et lait.

Les fourrages représentent de 50 à 100% de la ration alimentaire des bovins en Wallonie. Ils peuvent être consommés frais, c’est le cas  lorsque les ruminants  broutent l’herbe des prairies, ou conservés sous forme d’ensilage ou de foins.

Les fourrages ne suffisent pas toujours à couvrir les besoins nutritionnels des animaux, il est alors nécessaire d’apporter des compléments (énergétiques, protéiques, minéraux, etc.) pour assurer la production (lait, viande).  Parmi ces compléments, certains peuvent être produits sur la ferme (céréales, racines et tubercules, graines oléo-protéagineuses), d’autres sont issus de la transformation des matières premières agricoles pour l’alimentation humaine, ce sont les co-produits agro-industriels. Ces derniers sont généralement peu ou non-consommables par l’Homme.

PRAIRIES

Les fourrages herbagers sont produits sur des prairies (celles-ci couvrent 47% de la surface agricole utile en Wallonie), celles-ci peuvent être permanentes (en place depuis de nombreuses années, riches en biodiversité) ou temporaires (semées pour une période données, avec un nombre d’espèces limité, servant principalement à la production de fourrages conservés).

Les prairies sont constituées d’un mélange de plantes :

  • en majorité des graminées (Poacées) ;
  • parfois des légumineuses (Fabacées); qui sont des plantes plus riches en protéines et en minéraux que les graminées pour un stade végétatif équivalent et qui participent naturellement à l’enrichissement du sol en azote ;
  • et enfin d’autres espèces de plus ou moins grand intérêt (pissenlit, chardon, …).

FOURRAGES CONSERVÉS

Les fourrages peuvent être conservés de différentes manières afin de servir d’aliments pour les ruminants en dehors de la période de pousse de l’herbe : soit sous forme séchée (foin, …) soit sous forme fermentée (ensilage).

CÉRÉALES

Les céréales sont des aliments secs riches en glucides (amidon). La faible teneur en fibres et la présence de sucres facilement dégradables en font des compléments énergétiques intéressants pour les ruminants.

CO-PRODUITS DE CÉRÉALES

Il s’agit de co-produits résultant de la transformation de céréales par l’industrie agro-alimentaire (brasserie, meunerie, amidonnerie, …). Ils sont valorisables comme compléments énergétiques ou protéiques pour les ruminants.

OLÉO-PROTÉAGINEUX

Les oléo-protéagineux contiennent les protéagineux (pois, féverole, lupin) et les oléagineux (colza, lin, soja, tournesol). Ce sont des plantes riches en protéines et en huile, cultivées pour leurs graines. Celles-ci, tout comme les co-produits de leur transformation (huilerie), servent de complément protéique pour les ruminants.

TUBERCULES ET RACINES

Les tubercules et racines (et leurs co-produits) correspondent à un stock de glucides (amidon, sucres) dans la partie souterraine des végétaux, comme c’est le cas des pommes de terre ou des betteraves par exemple. De ce fait, elles peuvent servir de complément énergétique pour les ruminants.

MINÉRAUX ET LAIT

Les minéraux (calcium, phosphore, …), indispensables pour couvrir les besoins des ruminants (digestion, squelette, …), sont soit ajoutés aux aliments, soit mis à la libre disposition des animaux.
Le lait et les produits laitiers sont des aliments d’allaitement indispensables pour les veaux/agneaux/chevreaux.

L'empreinte climatique d'un aliment

L’empreinte climatique d’un aliment correspond à la quantité de gaz à effet de serre émis suite à son utilisation, depuis sa production jusqu’à la bouche de l’animal.

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En effet, l'impact des produits animaux n'est pas limité à la production animale à la ferme (production de méthane entérique par les animaux, consommation d’énergies fossiles par les machines agricoles, etc). La fabrication des intrants (engrais, aliments, etc.) a un coût environnemental indirect élevé qu'il est important de considérer. L’empreinte carbone des aliments s’exprime en général en équivalent CO2 par tonne de matière fraîche [t éqCO2 / t MS] afin de permettre des comparaisons.

L’évaluation de cette empreinte carbone peut permettre de choisir, pour un même aliment, un procédé de production nécessitant moins de ressources énergétiques fossiles (achat ou production locale) ou de choisir un autre aliment dont la production affecte moins le réchauffement climatique.

La compétition Feed/Food

La compétition Feed/Food désigne la concurrence entre deux utilisations possibles des aliments : la consommation par l’Homme (Food) et l’alimentation du bétail (Feed).

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En apparence, l’élevage représente une perte d’aliments pour la population humaine en raison d’une utilisation importante de produits qui pourraient être directement utilisés par lHomme (céréales, etc.). Pourtant, une grosse partie de la ration du bétail n’est pas en concurrence avec l’alimentation humaine (fourrages, co-produits agro-alimentaires, etc.) et, en contrepartie, les animaux fournissent des aliments de haute valeur nutritionnelle (viande, lait). Au final, il est important que les élevages soient fournisseurs net d’aliments pour la population humaine c’est-à-dire qu’ils produisent plus d’aliments consommables par l’Homme qu’ils n’en consomment !

Pour définir le niveau de compétition d’un aliment à destination du bétail, on utilise un coefficient d’utilisation potentiel par l’Homme. Si on s’intéresse aux protéines, ce coefficient est la Part de Protéines Consommables [PPC].

Ainsi plus un aliment a un coefficient PPC élevé, plus son introduction dans l’alimentation animale pose la question de sa valorisation alternative directement par l’Homme.

 

Equipe