Comment ?
Via l’animation d’un réseau de fermes et la création d’une plateforme de diffusion des savoirs. Ces deux actions interconnectées font partie d’un plan d’actions dédiées à l’agroécologie, mis en place par la Wallonie.
Contexte
Aujourd’hui, bon nombre d’agriculteur.rice.s testent et mettent en place des pratiques agroécologiques répondant à la nécessité de production tout en prenant soin de leurs milieux et de ses habitant∙e∙s. La Wallonie souhaite accompagner ces agriculteur∙rice∙s qui veulent entamer, accélérer ou approfondir leur transition agroécologique. Différents outils sont mobilisés via la création d’un réseau de pairs visant à favoriser l’échange et la diffusions de leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être agroécologiques.
C’est dans ce cadre qu’en décembre 2021, le gouvernement wallon a approuvé un plan régional de transition agri-environnemental dans le cadre du Plan de Relance de la Wallonie.
Ce plan se décline en huit actions :
- Actions 1 et 2 : Développement d’un référentiel des pratiques agroécologiques et d’une expertise d’évaluation de la biodiversité des fermes
- Actions 3 et 4 : Mise en place d’un réseau de fermes en agroécologie et d’une plateforme de diffusion des savoirs : Terraé
- Action 5 : Recherche-action participative en situation réelle avec des groupements d’agriculteurs en agroécologie (GAA)
- Actions 6, 7 et 8 : Étude de faisabilité de rémunération des agriculteurs pour services environnementaux rendus et développement d’un outil d’évaluation de la durabilité globale des fermes wallonnes (DECiDE).
Objectifs
Le projet Terraé a comme objectifs de promouvoir l’agroécologie et de faire évoluer les pratiques de productions agricoles, en valorisant, entre autres, les savoirs mis à l’épreuve au sein des fermes. Deux grands axes de travail sont ainsi mobilisés.
Axe 1 : Une plateforme de communication, pour diffuser les savoirs
Le projet a permis de construire une plateforme de communication pour diffuser les savoirs portant sur l’agroécologie et ses déclinaisons en Wallonie. Cette plateforme s’adresse aux agriculteur∙rice∙s, acteur∙rice∙s du monde agricole, enseignant∙e∙s ainsi que toute personne intéressée par la thématique. La plateforme intégre progressivement les contenus développés au sein de Terraé et dans les autres projets du plan de transition (8 actions détaillées plus haut).
La plateforme est alimentée par les connaissances, les avancées et les résultats sous différentes formes:
- Vidéos et témoignages d’agriculteurs du réseau
- Portraits d’agriculteur.rice.s et analyse d’itinéraires de transition
- Fiches et synthèses techniques
- Partenariats / Ressources
Axe 2 : L’animation d’un réseau de fermes pour mettre en relation les agriculteur∙rice∙s souhaitant entamer, accélérer ou approfondir leur transition agroécologique. Ce réseau se veut inclusif et rassemble des fermes aux profils sont très variés.
Les missions des structures accompagnantes sont de :
- Appuyer les agriculteur∙rice∙s dans leurs changements de pratiques, allant de la mise en œuvre d’essais à la construction de plans d’actions, en intégrant des retours réflexifs sur les expériences agroécologiques ;
- De caractériser, comprendre et objectiver les performances des pratiques agroécologiques mises en place au sein des fermes du réseau ainsi que les freins et leviers rencontrés lors de leurs mises en œuvre. La dynamique des échanges des savoirs au cœur du réseau est également analysée ;
- De favoriser par tous les moyens à disposition les échanges d’informations entre les agriculteur∙rice∙s du réseau (réunions, tours de plaines, conférences…) et les agriculteur∙rice∙s en dehors du réseau ;
- Alimenter la plateforme de communication (axe 1) en témoignages, retours d’expériences agroécologiques et autres contenus issus des expérimentations et expériences de terrain.
Parmi les 60 fermes ayant proposé leur candidature, 40 ont été sélectionnées pour composer le réseau Terraé. Après un premier diagnostic de chaque exploitation en automne 2022, un plan d’action a été co-construit pour chaque ferme et mis en place avec les structures accompagnantes.
Conjointement, une recherche participative portant sur la transmission des savoirs et la transmission des exploitations a été mené en collaboration avec les membres du réseau intéressés par cette thématique. Cette recherche ajoute une dimension sociale aux actions menées et aux données partagées par la plateforme.
Résultats
Au sein de cette collaboration, le CRA-w est en charge en particulier du suivi socio-économique des fermes et de la communication des résultats autour de ces sujets notamment sur la plateforme ou encore la presse agricole.
Lien vers la plateforme : https://www.terrae-agroecologie.be/
Concernant l’analyse socio-anthropologique, nous avons pu mettre à jour une série de leviers silencieux de l’agroécologie grâce aux entretiens réalisés avec l’ensemble des agriculteur.ice.s du réseau mais aussi à la réalisation de portraits individuels destinés à la plateforme.
Pour réaliser les portraits, nous avons combiné une ethnographie flash, c’est à dire une immersion dense en ferme avec des entretiens semi-directifs. Cette production de données a été l’objet d’une captation vidéo afin de réaliser un portrait filmé. Ces images tournées avec Go-Pro rapprochent le spectateur du quotidien dont les fermier∙ère∙s témoignent. Embarquée, la caméra plonge dans le flux des gestes. Elle place l’œil du spectateur sur le corps même du protagoniste. L’analyse synthétique des données est également à la base d’autres supports : un texte et une courbe du temps.
Ce visuel trace le parcours de vie, les éléments phares et les valeurs auxquels chaque agriculteur∙ice est attaché. Enfin, la réalisation d’une carte d’identité et d’un portrait photographique des praticien∙ne∙s complète cet ensemble destiné à mettre en avant le sens du métier et les moteurs de la pratique.
Actuellement, 3 portraits sont disponibles en ligne :
- Isabelle Martin, paysanne au service des prairies ardennaises
- Pol Thunus, maintenir la beauté d’une ferme familiale depuis 300 ans
- Géraldine Jourdan, une agroécologie impliquée et appliquée
Lorsqu'ils parlent de leur métier et de sa signification, les agriculteur∙ice∙s mettent avant tout l'accent sur l'autonomie (réduction des coûts et contrôle de leur activité), plutôt que sur l'écologisation des pratiques. Cependant, d'autres facteurs apparaissent lorsqu'on écoute attentivement ce qui les motive, comment ils en parlent et comment ils agissent. Cette analyse permet l’émergence de leviers invisibilisés.
Pourquoi parler de leviers invisibles ?
- parce que les agriculteurs ne cherchent pas à être sous les feux de la rampe, par crainte d'une réaction négative de la part des acteurs industriels conventionnels et du monde extérieur critique à l'égard de l'agriculture
- parce qu'ils ne se conforment pas aux valeurs et aux normes promues par le modèle conventionnel dominant ou les cadres institutionnels (comptabilité, recensement, enquête, etc.),
- parce qu'ils font partie d'une routine qui semble « normale » mais qui ne l'est pas.
- parce que ces pratiques sont invisibles lorsqu'on les examine à travers le prisme d'une définition externe de l'AE, en particulier celle qui limite les principes aux seules pratiques agronomiques.
Actuellement, nous avons identifié quatre leviers silencieux qui sont interconnectés. Même s'ils forment un récit, ils ne sont pas nécessairement tous visibles dans chaque exploitation agricole. Il s'agit de la modestie, de la maintenance, du milieu et la position particulière avec l'altérité, et enfin du temps. A maints égards ces éléments constituent probablement des leviers à la transmissibilité/reprise des fermes.
Concernant le suivi économique, l’objectif fixé est d’aborder la question d’un suivi économique pour les fermes inscrites dans une transition agroécologique avec un enjeu majeur : assurer un revenu décent et stable pour les agriculteur∙rice∙s.
La méthodologie initiale envisagée était de se concentrer sur l’analyse des comptabilités et de quantifier une série d’indicateurs économiques pour l’ensemble de l’exploitation (excédent brut d’exploitation, marge brute d’une culture, coûts de production…) et par atelier mais aussi pour la mise en œuvre d’une pratique plus ciblée.
Après une recherche bibliographique et des discussions avec différents acteur∙rice∙s de terrain, le constat est posé que cette approche ne satisfait pas les objectifs de l’approche économique de fermes en transition agroécologique.
Une formation suivie en France via les CIVAM – Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural – a permis de poser les bases d’une réflexion économique en adéquation avec les attentes des agriculteur∙rice∙s et avec les principes de l’agroécologie. Les apprentissages ont pu être partagés auprès des membres du réseau grâce à l’organisation de 3 ateliers participatifs.
Enfin, pour une diffusion plus large, ces apprentissages sont repris dans un ensemble de fiches. L’objectif : démystifier les notions économiques et comptables, pour que chacun∙e puisse s’approprier les chiffres de sa ferme et comprendre leurs implications sur leur revenu agricole, afin de prendre des décisions éclairées en accord avec ses objectifs.
Curieu∙se d’en savoir plus ? Ces fiches sont disponibles gratuitement via ce lien et sur la plateforme
Financement
Plan de Relance de la Wallonie
Partenaires
Natagriwal : Emilie Corbier, Sophie De Mol, Savanah Guilmot.
Greenotec : Marianne Flahaux et Laurent Serteyn
Fourrages Mieux : Simon Leriche et Antoine Stifkens
SPW Environnement : Pascale Picron et Arnaud Stas