01 Février 2023

Microsoilsystem

Réduction d’intrants par application de consortia microbiens formulés à finalité biostimulante et de bio-contrôle adaptés au fonctionnement des sols en agriculture biologique, conventionnelle et de conservation.

Contexte et objectif général

La dépendance à l'égard des produits phytopharmaceutiques a entraîné de graves problèmes de santé humaine, de pollution environnementale, de résistance et de résurgence des ravageurs.  Les réglementations européennes relatives à l'utilisation des pesticides et fertilisants sont de plus en plus strictes pour garantir la salubrité des aliments et protéger la santé des écosystèmes.  Notre projet s'inscrit parfaitement dans ce défi : mieux comprendre les relations entre l'écosystème microbien et les propriétés physico-chimiques des sols afin d'optimiser la solubilisation des nutriments, ainsi que la protection et la stimulation des cultures. A travers l'application de consortia microbien adaptés aux conditions physico-chimiques du sol, nous ambitionnons d'améliorer la santé des cultures face aux pathogènes dans le but de réduire l'usage de produits phytosanitaires. Notre étude permettra ainsi d'établir une première base de données de l'efficacité de l'usage de biostimulants dans les sols pour des conditions pédologiques et de pratiques agricoles (biologique, de conservation et conventionnelle) contrastées.

La plupart des produits d’origine microbienne destinés à promouvoir la croissance des plantes ou à les protéger contre les maladies telluriques sont basés sur un seul micro-organisme susceptible de s’implanter dans de nombreux écosystèmes de nature très différente. De plus ces produits ne prennent pas en compte la nature, la structure et les propriétés physico-chimiques du sol. Il en résulte une efficacité relative de ces produits et bien souvent une absence de reproductibilité des résultats obtenus.

L’objectif de ce projet est de réunir l’expertise scientifique de 4 partenaires afin de mettre au point des consortia multifonctionnels de micro-organismes formulés en prenant en compte leur biocompatibilité, leur synergie mais également leur efficacité en fonction des propriétés physico-chimiques du sol. Il s’agira d’exploiter les potentialités complémentaires des bactéries de type PGPR et des CMA en les combinant dans un produit unique. Ces combinaisons devraient permettre à la fois de favoriser la mobilisation des nutriments dans les sols et celle de phytoprotection en permettant de lutter contre les maladies des plantes.

De manière tout à fait novatrice, cette approche aura pour originalité d’intégrer les propriétés physico-chimiques du sol, variant selon le type de sol et de pratique agricole, et leur impact sur le développement et les propriétés des souches microbiennes. L’objectif est donc de développer un nouveau type de produit microbien éco-compatible afin de suppléer aux intrants chimiques en priorité dans le contexte de l’agriculture biologique mais aussi avec une vision concrète d’application en lutte intégrée pour les cultures conventionnelles.

 

Objectifs opérationnels

Au cours du projet, le CRA-W a pour mission : 

1. Sur base d'un réseau de parcelles en ferme emblavées en froment d'hiver, d’évaluer l’abondance et la diversité des populations de champignons mycorhiziens à arbuscules (CMA) naturellement présents dans les sols agricoles wallons soumis à des conduites culturales et des conditions pédoclimatiques contrastées afin a) de cartographier les populations de CMA à l’échelle régionale en fonction du contexte cultural et b) d’identifier les principaux facteurs agronomiques et pédoclimatiques favorables ou défavorables aux CMA et aux bactéries bénéfiques au froment d’hiver. 

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 Figure 1: Illustrations de structures mycorhiziennes (hyphes, arbuscules, vésicules, spore) observées au microscope au sein de racines de froment d’hiver après coloration des structures à l’encre bleue.

2. D'évaluer la compatibilité de consortia microbiens avec les enrobages de semences. En agriculture conventionnelle, les semences de céréales sont systématiquement traitées par un ou plusieurs fongicides afin de prémunir la culture des maladies de la semence ou de certaines maladies telluriques (carie du blé, charbon nu, fusariose, septoriose). Des traitements existent également en agriculture biologique (vinaigre, Cerall). Il s’agira de vérifier la compatibilité du consortium microbien avec les principaux traitements de semences autorisés en agriculture biologique et conventionnelle.

3. De mener des essais au champ afin de tester l’efficacité des consortia microbiens formulés (enrobage de semences) en conditions de champ et dans différents contextes agronomiques, notamment dans des situations contrastées en termes de teneur en phosphore ainsi que dans des terres gérées en agriculture biologique, conventionnelle et de conservation des sols. 

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Figure 2: Parcelles d’essai en froment d’hiver (variétés arminius et chevignon) suivies dans le cadre de la campagne de mesure de 2020 (à gauche) ; Semis du premier essai au champ avec les consortia microbiens en automne 2021 (à droite).

Synthèse des résultats

L’analyse des taux de mycorhization de racines de froment d’hiver au sein d’un réseau de 48 parcelles en ferme a permis de tirer les conclusions suivantes :

  • L’abondance des CMA dans les racines de froment semble être gouvernée en grande partie par la succession culturale. Les principales cultures améliorantes sont la prairie temporaire de deux ans ou plus et le maïs. Cela peut s’expliquer par i) la haute affinité de la plupart des graminées (et des légumineuses) pour les champignons mycorhiziens ; ii) l’application limitée de produits phytosanitaires sur ces cultures et iii) le cycle végétatif de ces cultures, qui couvre bien la période utile au développement mycorhizien (de la mi-avril à la mi-octobre environ, lorsque la témpérature du sol est > 10 °C). Les principales cultures affaiblissantes sont les cultures et intercultures qui ne mycorhizent pas (chénopodiacées : betterave, épinard, quinoa ; crucifères : colza, moutarde, radis et probablement phacélie, une hydrophyllacée). Les engrais verts multi-espèces ainsi que les plantes compagnes dans les cultures de betterave ou de colza peuvent faire office de « relais mycorhize ».
  • Les parcelles cultivées en agriculture biologique ont montré en moyenne un niveau de mycorhization supérieur à celui des terres conventionnelles. Cela peut être le reflet i) de rotations plus favorables et ii) de l’exclusion de la plupart des intrants de synthèse (pesticides, fertilisants minéraux) qui remplacent les services rendus par la mycorhize au détriment de la symbiose.
  • Par rapport à la succession culturale, l’intensité de travail du sol et la concentration en P disponible apparaissent comme des facteurs largement secondaires pour expliquer les taux de mycorhization des racines.
  • Des endophytes fins des racines ont été détectés fréquemment dans les racines de froment d’hiver. Ce sont des mycorhizes particulières qui remplacent ou cohabitent avec les mycorhizes classiques lorsque ces dernières sont fortement mises à l’épreuve, par exemple par un historique cultural défavorable.
  • Un herbicide total comme un labour rompt le cycle des plantes hôtes. La symbiose mycorhizienne s’installera dans la culture d’après si les propagules champignons rencontrent les conditions requises, notamment une température du sol suffisante (>10°C). D’une année à l’autre en fonction des dates et des conditions de semis, la culture de froment d’hiver pourra ainsi mycorhizer avant la période hivernale ou non. Cela peut fortement influencer les chances de succès d’un biostimulant microbien appliqué en enrobage de semence.

Pour approfondir le sujet : Hardy, B., Calonne-Salmon, M., Declerck, S., Huyghebaert, B. (2023). L’effet des pratiques agricoles sur la mycorhization du froment d’hiver. Itinéraires BIO, 70, mai-juin 2023 : p. 47-53.

 Les essais en serre et au champ sur l’effet des traitements de semence sur la mycorhization du froment d’hiver ont conduits aux conclusions suivantes. A l’exception du CERALL (produit microbien à base de Pseudomonas Chlororaphis MA342, agréé en agriculture biologique), tous les traitements de semences testés ont entraîné un retard de mycorhization du froment d’hiver à au moins une date au cours de l’essai en serre. Un phénomène de rattrapage partiel ou complet a été observé pour les produits simples (Difend, Redigo, Celest, vinaigre, Cerall), quel que soit le principe actif. Par contre, l’effet des produits combinés peut soit empêcher le rattrapage (kinto duo, difend extra) soit le favoriser (vibrance duo).

Puisque les traitements de semence agréés en agriculture biologique (vinaigre, CERALL) tendent à retarder la mycorhization malgré une protection partielle contre les maladies de la semence, la recherche de méthodes d’assainissement des semences alternatives (ex. traitement vapeur) nous semble nécessaire.

Pour approfondir le sujet : Hardy, B., Belvaux, E., Calonne-Salmon, M., Huyghebaert, B., Declerck, S. (2023) L’effet des traitements de semence sur la mycorhization du froment d’hiver. Livre Blanc Céréales février 2023 – p. 222-226.

Des essais de biostimulation du froment par inoculation avec des champignons mycorhiziens multipliés en laboratoire ont eu lieu au cours de la saison culturale 2022-2023. Malheureusement, ces essais n’ont pas été concluant en raison d’un problème de viabilité dans la formulation. Néanmoins, les différents résultats acquis au cours du projet permettent de tirer plusieurs enseignements quant au rôle de ces organismes dans nos agroécosystèmes, dont la symbiose avec la plante semble s’exprimer d’autant plus que cette dernière doit combler un manque. En effet, nous avons observé à travers les essais que les taux de mycorhization étaient inversement proportionnels à la disponibilité en azote du sol. Outre ce statut d’assurance pour la plante, les essais de biostimulation nous rappellent ô combien le vivant est difficile à dompter…

Pour approfondir le sujet : Hardy, B. , Calonne-Salmon, M., Motet, A., Declerck, S. & Huyghebaert, B. (2024). la symbiose mycorhizienne de la culture de froment d’hiver : les principaux acquis du projet MicroSoilSystem. Itinéraires BIO (74), 49-52.

Evènement de restitution au secteur

Le 28 février 2024, Le projet MicroSoilSystem s'est clos sur une conférence rassemblant toutes les parties prenantes du projet. La séance s’est achevée par un débat sur l’utilisation des microorganismes en agriculture animé par différents représentants du secteur agricole.

Partenaires externes

  • UClouvain – Stéphane Declerck, Maryline Calonne
  • ULiège – Philippe Jacques, Marc Ongena, Félicie Goudot

Publications

D'Haene, J. (2022). Évaluation de l’effet biostimulant de consortia microbiens sur le développement du froment d’hiver en fonction de la variété (en serres) et du niveau de fumure organique (au champ). Prom. Declerck, S. & Hardy, B. Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, Master Thesis, Hardy, B. , Calonne, M. , Huyghebaert, B. & Declerck, S. (2022). Identification des facteurs agronomiques favorables ou défavorables aux champignons mycorhiziens à arbuscules (CMA) dans les sols agricoles en région wallonne (projet MicroSoilSystem). Poster in: Foire Agricole de Libramont, Libramont, 29 juillet – 1er août 2022. Hardy, B. (2022). L’effet des pratiques agricoles sur la colonisation du froment d’hiver par les champignons mycorhiziens à arbuscules en région wallonne. Présentation orale. Proceedings in: Festival de l’Agroécologie et de l’Agriculture de Conservation – 3ième édition, 22-23/06/2022, Hardy, B. (2022). L’effet des pratiques agricoles sur la colonisation du froment d’hiver par les champignons mycorhiziens à arbuscules en région wallonne. Présentation orale. Journée d’échange dans le cadre du projet Générations Terres, 20/01/2022. Calonne, M. , Hardy, B. , Goudot, F., , Ongena, M. , Jacques, P. , Cornélis, J.-T. , Huyghebaert, B. & Declerck, S. (2021). MicroSoilSystem. Rapport d’activité final et rapport de synthèse de la première triennale. Subvention D31-1388-S1. Calonne, M. , Hardy, B. , Goudot, F., , Ongena, M., , Jacques, P. , Cornélis, J.-T. , Huyghebaert, B. & Declerck, S. (2021). MicroSoilSystem. Réduction d’intrants par application de consortia microbiens formulés à finalité biostimulante et de bio-contrôle adaptés au fonctionnement des sols en agriculture conventionnelle et de conservation. Rapport d'activité année 3.Subvention D31-1388-S1. 58 p.