Contexte
La Wallonie est parcourue par un réseau hydrographique de plus de 18.000 kilomètres. Si l’on considère une bande rivulaire d’une largeur moyenne de 3 mètres le long des cours d’eau, la surface des berges occupe presque 0,7% du territoire wallon. La ripisylve y est installée sur les deux rives dans 38% des cas et seulement sur une rive dans 24% des cas [MOUCHET, 2004]. Elle est formée d’un ensemble d’espèces végétales adaptées aux conditions humides et aux inondations. Parmi les essences ligneuses, les aulnes (Alnus spp.), les saules (Salix spp.), le frêne (Fraxinus excelsior) et les érables (Acer spp.) sont les 4 essences principales.
Les milieux rivulaires, bien que ne représentant qu’un faible pourcentage du territoire wallon, jouent un rôle clé dans la constitution du maillage écologique. Ils représentent des zones de grand intérêt biologique puisqu’ils constituent des zones refuges pour les populations animales et végétales, au même titre que les forêts, lisières et autres milieux naturels. De très nombreux sites Natura 2000 comportent d’ailleurs des tronçons de rivières où la forêt ripicole est présente. Le réseau hydrologique est une voie de communication importante pour l’homme (transport fluvial) mais aussi pour les organismes végétaux ou animaux. La ripisylve constitue un réseau de corridors écologiques, appelés dans ce cas des corridors rivulaires, qui lient entre eux différents habitats naturels (comme par exemple les milieux forestiers) et qui permettent la migration des espèces. Le rôle paysager et sociétal de la ripisylve est également indéniable. La couverture arborée des cordons rivulaires a un impact dans le paysage wallon qu’il est nécessaire de préserver.
L’écosystème rivulaire est soumis à des évolutions liées aux activités humaines d’aménagement qui appauvrissent la biodiversité, mais liées aussi aux effets directs (pesticides, rejets d’eaux usées, …) et indirects de pollution (réchauffement climatique entraînant des inondations accrues). Ces stress ont un impact potentiel sur l’état sanitaire des plantes et peuvent conduire à des catastrophes écologiques. La maladie de l’aulne en est un bon exemple. L’agent pathogène Phytophthora alni a été identifié pour la première fois en Wallonie en 1999 [CAVELIER, 1999]. Depuis, il a colonisé la majeure partie des rivières wallonnes et affecte actuellement plus de 30% des aulnes rivulaires. D’autres maladies ou arthropodes ravageurs n’ont pas nécessairement ce caractère épidémique mais peuvent aussi être stimulés à l’occasion de déséquilibres induits par des facteurs abiotiques ou anthropiques.
Afin d’appréhender ces menaces sanitaires, un monitoring des principales maladies et ravageurs s’intégrant dans un réseau d’études des rivières, vise à développer une surveillance phytosanitaire des principales essences des milieux rivulaires.
Objectifs
• Développer une méthodologie de monitoring phytosanitaire adaptée à l’écosystème rivulaire ;
• Fournir un état des lieux de la situation phytosanitaire actuelle des principales espèces ligneuses présentes le long des cours d’eau et en particulier les aulnes, saules, frênes et érables ;
• Mettre en évidence des problèmes phytosanitaires nouveaux ou résurgents qui pourraient représenter une menace pour le milieu rivulaire ;
• Répondre à la législation européenne en matière de gestion des cours d’eau et de son environnement immédiat (Directive cadre sur l’eau, Natura 2000) ;
• Répondre à certaines missions de la Division des Cours d’Eau non navigables, notamment l’aménagement et la gestion qualitative, quantitative et écologique des cours d’eau non navigables et de leurs berges ;
• Diffuser aux gestionnaires des cours d’eau et aux personnes ayant des activités liées aux cordons rivulaires une information synthétique.
Description des tâches
Un réseau d’échantillonnage composé d’une centaine d’unités réparties sur l’ensemble des sous-bassins hydrographiques que compte la Wallonie est inventorié depuis 2004. Ces unités d’échantillonnage ont été sélectionnées à partir des inventaires réalisés le long des cours d’eau par la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux en 2002 et 2005 dans le cadre du monitoring des bandes riveraines des cours d’eau wallons [DEBRUXELLES, 2004]. Le taux de sondage le long des cours d’eau est variable d’année en année et compris entre 0,150/00 et 0,200/00. Par comparaison, le taux de sondage des inventaires forestiers européens varie entre 0,100/00 et 50/00 [LECOMTE & RONDEUX, 1992]. Les placettes d’échantillonnage sont installées sur la berge du cours d’eau et ont des surfaces variables. Elles ont une longueur qui varie de 4 à 80 mètres et une largeur fixée à 2 mètres à partir de la crête de berge.
Deux campagnes d’inventaire sont réalisées chaque année afin d’intégrer les variations saisonnières. Un premier suivi des placettes est organisé entre avril et début juillet, tandis qu’une seconde visite est opérée de la fin juillet à octobre.
Dans chaque unité, différentes données sont relevées : localisation de l’unité et des arbres échantillonnés, informations météorologiques, description de l’environnement, symptômes observés, présence d’agents pathogènes et de ravageurs. La collecte d’échantillons de tissus végétaux présentant des symptômes causés par des agents pathogènes et/ou des arthropodes ravageurs est associée à des photographies.
Analyse des échantillons :
Tous les échantillons collectés lors des différentes campagnes d’inventaire font l’objet d’une analyse en laboratoire. La cause des symptômes observés est déterminée en utilisant les techniques habituelles d’identification : observation à la loupe binoculaire ou au microscope, isolement et mise en culture en boîte de Pétri, incubation, …. Les dégâts provoqués par des insectes ou acariens ravageurs sont également examinés. Les larves d’insectes collectées sont élevées en chambre conditionnée (t°, photopériode et humidité contrôlées) jusqu’à l’obtention des adultes. Ces insectes sont ensuite montés sur aiguille, identifiés sous loupe binoculaire et classés en boîtes entomologiques.
Résultats obtenus
Surveillance phytosanitaire 2004-2005 :
Une méthodologie de surveillance phytosanitaire des essences ligneuses rivulaires a été mise en place sur l’ensemble du territoire wallon. Les principales maladies et ravageurs de 17 genres ligneux ont été inventoriés de façon qualitative afin de fournir une image actualisée de l’état phytosanitaire de la ripisylve wallonne.
Données générales :
2004 | 2005 | ||
Nombre d’unités d’échantillonnage étudiées | 105 | 129 | |
Nombre d’arbres étudiés | 1192 | 1455 | |
Taux de sondage des cordons rivulaires | 0,16 0/00 | 0,20 0/00 | |
Nombre de symptômes relevés sur arbres | 8195 | 11870 | |
Nombre d’identifications réalisées | 3896 | 6186 | |
Dont | Champignons | 13,6% | 16% |
Bactéries, virus | 0,7% | ||
Insectes ravageurs | 86,4% | 61,3% | |
Acariens ravageurs | 15,8% | ||
Insectes utiles | 2,3% | ||
Autres insectes du milieu rivulaire | 3,9% |
L’état phytosanitaire des ligneux de l’écosystème rivulaire s’est révélé équilibré. Cependant, certains agents pathogènes se sont montrés précoccupants : Phytophthora alni sur les aulnes, les armillaires (Armillaria spp.) et certains champignons lignivores (par exemple Phellinus igniarius, Meripilus giganteus, Laetiporus sulfureus, …) sur divers feuillus, ainsi que Marssonina salicicola (anthracnose) qui provoque le dépérissement des saules. Des ravageurs participant également à l’affaiblissement des arbres touchés ont été observés comme Agelastica alni qui altère le feuillage des aulnes, Stereonychus fraxini qui s’attaque aux feuilles des frênes et les nombreuses larves de géométridés et tenthrèdes qui occasionnent également de nombreuses morsures au feuillage des arbres.
Un guide visuel provisoire comprenant 51 fiches illustratives des principales maladies et ravageurs rencontrés durant l’inventaire de 2004 a été édité en 2005.
Surveillance phytosanitaire 2006-2007 :
En 2006, l’inventaire des maladies et ravageurs est devenu quantitatif et est réalisé sur les 4 essences principales de la ripisylve : les aulnes (Alnus spp.), les saules (Salix spp.), le frêne (Fraxinus excelsior) et les érables (Acer spp.). Trois études spécifiques sont développées afin d’approfondir les connaissances sur la maladie de l’aulne (Phytophthora alni), les populations d’armillaires (Armillaria spp.) rivulaires et la diversité des Chrysomelidae et Curculionoidea.
Données générales :
2006 | 2007 | ||
Nombre d’unités d’échantillonnage étudiées | 125 | 122 | |
Nombre total d’arbres étudiés | 1231 | 1202 | |
dont | Aulnes | 554 | 542 |
Saules | 227 | 217 | |
Frênes | 225 | 219 | |
Erables | 225 | 224 | |
Taux de sondage des cordons rivulaires | 0,15 0/00 | 0,240/00 | |
Nombre de symptômes relevés sur arbres | 8989 | 8855 | |
Nombre de micro-organismes relevés sur les arbres | 889 | 1410 | |
Nombre d’arthropodes relevés sur les arbres | 3675 | 3223 |
Les proportions d’arbres infectés par les principaux agents cryptogamiques et arthropodes ravageurs relevés durant ces inventaires sont présentées dans les tableaux ci-dessous :
Agents cryptogamiques sur aulnes | 2006 | 2007 | |
Armillaria spp. | Pourridié-agaric | 1,4% * | 20,5% |
Gloeosporium spp. | Nécroses sur feuilles | 11,9% | 24,0% |
Melampsoridium alni | Rouille sur feuilles | 2,9% | 1,8% |
Melanconis alni | Nécroses sur tronc | 5,4% | |
Microsphaera alni | Oïdium sur feuille | 1,1% | 0,7% |
Phytophthora alni | Maladie de l’aulne | 24,6% | 14,6% |
Taphrina tosquinetii | Cloques sur feuilles et gigantisme | 14,1% | 0,6% |
Taphrina alni-incanae | Déformation des strobiles | 3,6% | 17,5% |
Arthropodes ravageurs sur aulnes | 2006 | 2007 | |
Attelabidae/Rhynchitidae | Enroulement du feuillage | 14,4% | 7,6% |
Cecidomyiidae | Déformation pousses terminales | 5,2% | 9,8% |
Chrysomelidae dont Agelastica alni | Morsures du feuillage | 44,8% | 28,6% |
Cicadellidae | Piqûres sur le feuillage | 22,8% | 17,9% |
Coleophoridae | Mines en plaques sur le feuillage | 9,6% | 10,7% |
Curculionidae | Morsures du feuillage | 10,8% | 6,6% |
Eriophyidae dont Eriophyes laevis | Galles sur limbes foliaires | 85,7% | 48,5% |
Gracillaridae | Mine en plaque sur le feuillage | 16,6% | 28,6% |
Nepticulidae | Mine sinueuse sur le feuillage | 4,0% | 7,4% |
Psyllidae dont Psylla alni | Dépôt de miellat cireux sur feuilles | 28,2% | 9,8% |
Tenthredinidae | Morsures du feuillage | 26,5% | 36,9% |
Tortricidae | Enroulement du feuillage | 22,0% | 14,2% |
Agents cryptogamiques sur saules | 2006 | 2007 | |
Armillaria spp. | Lignivore sur tronc et racines | 5,3% | 22,7% |
Cryptodiaporthe salicella | Nécroses sur feuilles | 1,3% | 2,3% |
Melampsora spp. | Rouille sur feuilles | 19,4% | 5,5% |
Phomopsis spp. | Nécroses sur branches | 3,1% | 5,9% |
Rhytisma salicinum | Maladie des taches noires | 1,3% | 1,8% |
Marssonina salicicola | Anthracnose | 18,1% | 34,8% |
Uncinula salicis | Oïdium sur feuilles | 11,9% | 1,4% |
Arthropodes ravageurs sur saules | 2006 | 2007 | |
Aphidoidea | Piqûres et miellat sur feuilles | 10,6% | 6,9% |
Cecidomyiidae dont Rhabdophaga rosaria | Galles sur pousses terminales | 8,4% | 19,8% |
Cercopidae dont Aphrophora salicis | Crachats de coucou | 11,5% | 19,4% |
Chrysomelidae dont Crepidodera aurata | Morsures sur feuillage | 53,3% | 35,0% |
Cicadellidae | Piqûres sur feuilles | 9,3% | 8,3% |
Curculionidae | Morsures des feuilles | 9,7% | 4,1% |
Eriophyidae | Galles sur limbes foliaires | 23,8% | 32,7% |
Geometridae | Morsures des feuilles | 5,3% | 4,6% |
Gracillariidae | Mines en plaque sur feuilles | 6,2% | 11,5% |
Tenthredinidae dont Pontania proxima | Morsures et galles sur feuillage | 42,7% | 46,5% |
Tortricidae | Enroulement de feuilles | 2,2% | 3,7% |
Agents cryptogamiques sur frênes | 2006 | 2007 | |
Phyllactinia guttata | Oïdium sur feuilles | 12,4% | 3,2% |
Armillaria spp. | Lignivore sur tronc et racines | 3,6% | 25,1% |
Gloeosporium spp. | Nécroses sur feuilles | 1,8% | 1,8% |
Ascochyta metulispora | Nécroses sur feuilles | 2,7% | 0,5% |
Nectria galligena | Chancres sur rameaux | 2,7% | 4,6% |
Phomopsis spp. | Nécroses sur feuilles | 0,4% | 11,0% |
Phyllosticta fraxinicola | Nécroses sur feuilles | 2,2% | 13,3% |
Arthropodes ravageurs sur frênes | 2006 | 2007 | |
Cicadellidae | Piqûres sur feuilles | 1,3% | 4,1% |
Coleophoridae | Mines en plaques sur feuilles | 4,9% | 4,1% |
Psyllidae dont Psyllopsis fraxini | Déformation du feuillage | 41,3% | 28,3% |
Curculionidae dont Stereonychus fraxini | Morsures du feuillage | 38,2% | 44,7% |
Eriophyidae dont Eriophyes fraxinivorus | Galles sur fruits | 4,4% | 4,1% |
Miridae | Morsures et déformations sur feuilles | 6,7% | 8,7% |
Cecidomyiidae dont Dasineura fraxini | Galles sur folioles | 25,3% | 23,3% |
Aphidoidea | Dépôt de miellat sur feuilles | 6,7% | 2,3% |
Tenthredinidae | Morsures des feuilles | 0,9% | 3,2% |
Tortricidae | Enroulement des folioles | 4,0% | 7,3% |
Agents cryptogamiques sur érables | 2006 | 2007 | |
Armillaria spp. | Lignivore sur tronc et racines | 0,9% | 23,6% |
Cristulariella depraedans | Nécroses sur feuilles | 4,0% | 21,8% |
Rhytisma acerinum | Maladie des taches noires des feuilles | 70,2% | 69,8% |
Uncinula aceris | Oïdium sur feuilles | 16,9% | 7,1% |
Ascochyta aceris | Anthracnose | 10,2% | 14,7% |
Gloeosporium apocryptum | Nécroses sur feuilles | 13,3% | 22,7% |
Petrakia echinata | Nécroses sur feuilles | 8,9% | 41,3% |
Arthropodes ravageurs sur érables | 2006 | 2007 | |
Eriophyidae dont Eriophyes eriobus | Galles et érinose sur feuilles | 76,4% | 27,2% |
Aphidoidea | Dépôt de miellat sur feuilles | 53,8% | 43,3% |
Chrysomelidae | Morsures sur feuilles | 5,8% | 5,8% |
Cynipidae dont Pediaspis aceris | Galles sur le feuillage | 39,6% | 30,4% |
Cicadellidae | Piqûres du feuillage | 14,2% | 21,4% |
Coccidae | Dépôts cireux sur feuilles | 10,2% | 17,4% |
Coleophoridae | Mines en plaque sur feuilles | 5,3% | 5,4% |
Curculionidae | Morsures sur feuilles | 7,1% | 3,6% |
Geometridae | Morsures sur feuilles | 8,0% | 3,6% |
Gracillariidae | Mines en plaques sur feuilles | 3,1% | 8,5% |
Tenthredinidae | Morsures sur feuilles | 6,2% | 8,0% |
Tortricidae | Enroulement des feuilles | 7,6% | 3,1% |
Publications
- Guide visuel des bioagresseurs potentiels des ligneux en Wallonie- Publication CRAW
- La processionnaire du chêne : Risques d'urtications (2008) - Abras S. - Publication CRAW
- Phytosanitary monitoring of woody species from the banks of watercourses in Wallonia (2005) – Abras S., Chandelier A., Fassotte C., Lissarrague J.-B., Debruxelles N., Dufays E., Cavelier M. – Parasitica vol. 61 (2-4) : 69-80
- • Guide visuel des principales maladies et ravageurs des essences ligneuses des milieux rivulaires, version (2009) – Abras S., Fassotte C., Chandelier A., Cavelier M. – DGRNE et CRAW, 121 pages
- • Dépérissement du frêne : Appel à signalements (2008) – Abras S. – Publication CRAW
Contribution
Personnes partenaires dans l’étude de la maladie de l’aulne et le monitoring des bandes riveraines :
Ir Natacha Debruxelles – Assistante de recherche
FUSAGx – Unité de Gestion des Ressources forestières et des Milieux naturels
2, Passage des Déportés – 5030 Gembloux – Belgique
Tel : + 32 (0)81/622.377
Fax : + 32 (0)81/622.301
Dr Hugues Claessens – Premier assistant de recherche
FUSAGx – Unité de Gestion des Ressources forestières et des Milieux naturels
2, Passage des Déportés – 5030 Gembloux – Belgique
Tel : + 32 (0)81/622.381
Fax : + 32 (0)81/622.301
Financement
- CRA-W - Centre wallon de Recherches agronomiques