Dans un contexte de changement climatique
Que ce soit pour raisonner des traitements phytosanitaires ou anticiper des opérations culturales, les conditions météorologiques sont au centre de chaque décision dans le monde agricole. Dans un contexte de changement climatique, appliquer les recettes de toujours ne fonctionne plus. Il est dès lors indispensable de délivrer une information météorologique fiable aux structures d’encadrement, au monde de la recherche et aux agriculteurs.
Renforcer le réseau de référence
Le réseau Pameseb du CRA-W est un réseau expert de 35 stations météorologiques dont les données sont intégrées à la plateforme Agromet.be. Pour chaque station, des données sont enregistrées toutes les minutes pour 8 variables météo. Cela représente un volume de données considérable à contrôler, sachant que les capteurs ne sont pas infaillibles et que des erreurs surviendront toujours à la source. Lors du projet AGROMET II, plusieurs actions ont été entreprises pour renforcer la qualité des données remontées. Des tournées de maintenance préventives sur les stations ont été réalisées. Les pluviomètres à augets, sujets au bouchage, sont un à un remplacés par des pluviomètres à pesée (Figure 1), à la pointe de la technologie. Un contrôle qualité automatique a été mis en place afin d’identifier les données suspectes, en support au contrôle qualité et à la correction des mesures par un opérateur humain. L’algorithme identifie avec succès les pluviomètres bouchés, les sondes d’humidité qui saturent trop bas ou les anémomètres gelés.
Figure 1. Pluviomètre à pesée (à gauche sur la photo) installé sur la station de Libramont.
D’une pierre deux coups
En Wallonie, le réseau expert du CRA-W coexiste avec les réseaux privés composés de stations météorologiques achetées et installées dans les champs par les agriculteurs ou autres acteurs du monde agricole (Figure 2). Dans le cadre d’AGROMET II, le CRA-W a collaboré avec le réseau météo WalDigiFarm qui regroupe près de 200 stations agricoles connectées.
Le premier objectif était d’appliquer aux stations privées les méthodes développées pour renforcer la qualité du réseau Pameseb. Le contrôle qualité automatique a été adapté et sera prochainement ouvert aux propriétaires de stations privées. Un algorithme a également été développé sur évaluer l’emplacement d’une station météo sur base de ses coordonnées et de données d’observation de la terre : carte d’occupation du sol, modèle numérique de surface avec une résolution de 0,5 m. Il est ainsi possible de déterminer à distance si une station privée est placée trop proches d’obstacles ou de sources de chaleur. Une étude sur 108 stations privées a révélé que 65 % d’entre elles étaient mal positionnées.
Ce travail ouvre la porte à la combinaison des réseaux privés avec le réseau expert du CRA-W. Ces réseaux sont complémentaires : les stations Pameseb possèdent des capteurs de haute qualité mais sont peu nombreuses. Les zones non couvertes peuvent être comblées par des stations privées. Cette approche serait particulièrement intéressante pour la mesure des précipitations, très hétérogènes dans le temps et l’espace.
La mise à disposition des données de stations privées pour le projet a été un cas d’étude pionnier dans le contexte du partage des données agricoles. Le partage s’est effectué dans le respect du RPGD et avec l’accord du propriétaire de chaque station grâce à un système de convention.

Figure 2. Comparaison du nombre de stations dans le réseau Sencrop (à gauche) et dans le réseau Pameseb (à droite), sur une partie de la Wallonie.
Comparer les stations météo commerciales
Sur le site météorologique d’Humain, près de Rochefort, 7 modèles de stations commerciales ont été étudiés pendant 3 ans. Leurs mesures ont été comparées à deux stations de référence sur le site : une station Pameseb et une station IRM. Les stations connectées portables se sont révélées être des outils fiables, moyennant cependant un certain entretien.
- Les sondes de température sont précises et demandent peu de maintenance, avec des erreurs limitées à quelques dixièmes de degrés. La qualité de la mesure dépend assez fortement de la qualité de l’abri anti radiatif.
- Les pluviomètres connectés enregistrent bien les pluies et leur importance. Ils sont cependant sensibles à des problèmes de bouchage et peuvent sous ou surestimer les cumuls de pluie sur le long terme.
- La mesure de l’humidité relative est en revanche assez délicate et plusieurs problèmes majeurs ont été observés : des surestimations de plus de 10 % et des sondes qui saturent trop bas (à 94 % par exemple, au lieu de 100%). Ces sondes doivent être changées ou recalibrées après quelques années. Il faut être particulièrement attentifs à ne pas alimenter des modèles de maladies avec des sondes qui surestiment trop l’humidité ou pour lesquelles l’humidité sature trop bas.
- Les anémomètres à coupelles sous-estiment un peu la vitesse du vent mais restent des capteurs fiables pour en suivre les fluctuations. La station doit être bien éloignée des obstacles pouvant bloquer le vent. L’autre type de capteur testé, l’anémomètre sonique 2D, n’a pas montré des performances satisfaisantes.
- Les capteurs de rayonnement solaire peuvent être légèrement biaisés et causer des sous ou surestimations, mais ils enregistrent bien et de façon très fiable les variations de rayonnement solaire. Un ré-étalonnage après plusieurs années de fonctionnement est conseillé. Notons aussi que l’estimation du rayonnement depuis un panneau solaire n’a pas fait ses preuves pour le modèle testé, mais pourrait être une option pertinente et bon marché à l’avenir.
Et les prévisions météo ?
Les prévisions météo sont primordiales en agriculture, notamment pour anticiper les travaux aux champs. Dans ce projet, nous avons étudié les performances de 10 modèles de prévision et déterminé le modèle le plus performant pour chaque variable météo et à l’emplacement de chacune des stations du réseau Pameseb. Un premier résultat important est que le classement des modèles ne changeait pas selon la région considérée. Des conclusions générales peuvent être tirées pour la Wallonie. Le modèle allemand ICON D2 a été le plus performant pour prédire la température de l’air, l’humidité relative de l’air et les classes de vent pour un horizon de prévision jusqu’à 2 jours. À partir de 3 jours, le modèle européen d’ensemble a été très performant. Il a été le meilleur modèle pour prédire la température de l’air entre 3-10 jours et un des meilleurs pour prédire la vitesse du vent au-delà de 3 jours. Le modèle hollandais HARMONIE a été le meilleur pour prédire l’occurrence de précipitations.
L’impact des sorties des modèles de prévisions météorologiques au sein de l’outil d’aide à la décision SprayVision a été étudié. Cet outil se base sur les prévisions météo pour les 3 prochains jours pour calculer les fenêtres temporelles optimales pour la pulvérisation. Trois modèles de prévisions météorologiques se sont distingués : avec des résultats similaires : ICON D2 (modèle allemand), AROME (modèle français) et HARMONIE (modèle hollandais).
Délivrables principaux
- Installation de 22 pluviomètres à pesée.
- 10 tournées de maintenance préventives réalisées sur 3 ans.
- 1 Contrôle qualité automatique pour le réseau Pameseb.
- 1 article scientifique décrivant le contrôle qualité automatique.
- 1 algorithme de contrôle automatique de l’emplacement des stations météo.
- 1 article scientifique décrivant cet algorithme.
- 1 carte de qualité d’emplacement des stations mise en ligne sur Agromet.be.
- 1 rapport sur la comparaison de stations commerciales à Humain de 2022 à 2024.
- 1 rapport sur l’utilisation des données météo spatialisées pour alimenter les outils d’aide à la décision agro-météorologiques.
- 1 rapport sur la comparaison des modèles de prévision météo.
- Développement de deux outils à destination des agriculteurs :
→ Mon bilan météo : Envoi hebdomadaire à l’agriculteur de cartes météo (ex. cumul de précipitations sur 7 jours).
→ Mon contrôle qualité : Envoi à l’agriculteur d’une alerte en cas de problème suspecté sur sa station météo (ex. pluviomètre bouché).
- 1 évènement de restitution des résultats : La Matinale de l’Agrométéorologie
Partenaires
- WalDigiFarm : Arnaud Verlinden, Thomas Servais, Clémence Privé, Sébastien Weykmans
- Institut Royal Météorologique : Michel Journée
- UCLouvain : Patrick Bogaert
- Agence du Numérique : Sandrine Quoibion
Financement
Ce projet a été financé par le plan de relance de la Wallonie. #WallonieRelance (axe 3, sous-Axe 3.1, projet 142 : « Déployer le Smart farming : le digital au service de la transition »).



























